Yacht Class n°23 (dec 2020/jan-fev 2021)

Aleco Keusseoglou 

Président de La Société D’Exploitation Des Ports De Monaco

Le 15 octobre, l’emblématique Tuiga, navire amiral du Yacht Club de Monaco, a été le premier bateau à faire son entrée au port de Cala Del Forte – Vintimille. Une arrivée symbolique puisqu’elle marque officiellement l’ouverture du troisième port de la Principauté.
Président de la Société d’Exploitation des Ports de Monaco (SEPM) depuis 2003, Aleco Keusseoglou connaît le dossier « Cala Del Forte » sur le bout des doigts pour l’avoir initié et piloté. Il revient aujourd’hui sur cette nouvelle étape, décisive, l’une des dernières avant l’inauguration officielle du port de plaisance, prévue entre juin et juillet 2021.

Propos recueillis par Jean-Marc Moreno – Photos : Saverio Chiappalone/Cala del Forte

Ce projet, un peu fou, a démarré il y a 5 ans. Il a impliqué Monaco et l’Italie, et en particulier Vintimille. Ce travail d’équipe a-t-il tissé des liens particuliers ?

Ce projet, effectivement « un peu fou », a démarré au niveau des négociations avec l’ancien propriétaire, il y a cinq ans, et les travaux ont repris il y a trois ans. Lorsque la Société Monégasque Internationale Portuaire (SMIP) a été créée à cet effet, nous n’avions pas saisi immédiatement le bouleversement qui interviendrait dans notre organisation. En effet, même si nous avions acquis une solide expérience dans le domaine de la gestion des ports de plaisance, nous rentrions avec Cala Del Forte dans une autre dimension, celle du tumulte et de la complexité d’une opération d’envergure. Il a fallu redéployer une partie de l’équipe de Direction de la SEPM vers la SMIP et constituer une « Task Force » composée notamment d’un avocat italien de renom, spécialiste dans les arcanes de l’administration transalpine, d’un solide bureau d’études, d’un architecte, et de divers sapiteurs. Je dois dire que je suis fier de ce groupe particulièrement homogène qui a fait un travail extraordinaire. Nous avons bien été aidés aussi par l’administration régionale et communale dans nos démarches. Tout ceci a permis, malgré les difficultés inhérentes au déroulement d’un chantier, à tisser effectivement des liens particuliers et je dois dire, au fil du temps, de forts liens d’amitié avec tous ces nouveaux acteurs.

Voir s’amarrer l’emblématique Tuiga, dans Cala Del Forte, doit être une grande satisfaction, mais aussi une fierté pour vous qui êtes à l’origine du projet ?

Voir arriver le Tuiga avec son équipage au grand complet arborant le grand pavois, premier d’entre tous à être amarré dans ce port, a constitué non seulement un symbole empreint d’un grand moment d’émotion, mais au travers de celui-ci, le sentiment du « devoir accompli ». C’était une fierté pour nous tous mais aussi et surtout pour la Principauté et notre Souverain qui a toujours cru, dès le départ, à ce projet.

Entre la Covid-19, les tempêtes… Rien ne vous a été épargné. Comment parvenir à tenir le bon cap quand les éléments et les événements s’acharnent ?

Il est vrai que nous n’aurions jamais pu imaginer une seule seconde que pendant le chantier nous serions, comme tout un chacun, victimes indirectes de cette terrible épidémie. Les mois de confinement ont naturellement freiné fortement le chantier. Mais il n’a jamais été arrêté, grâce à la bienveillance des autorités italiennes, même s’il a tourné au ralenti. Nous avons eu la chance de pouvoir être approvisionnés à peu près régulièrement en béton et donc de pouvoir quand même achever les travaux de la structure en béton, notamment des commerces et des voies d’accès. En revanche, les corps d’état secondaires ont subi du retard et pouvoir ouvrir le plan d’eau pour l’hivernage 2020/2021 a constitué une gageure. Puis est survenue cette terrible tempête qui a épargné fort heureusement le port, preuve de sa solidité, à part un lot de macro déchets, ce qui était un moindre mal. En revanche, les abords du port et la ville ont subis de terribles dégâts et porteront longtemps encore les stigmates de ce cataclysme. Contre « vents et marées », nous avons quand même réussi à maintenir notre cap et je crois que l’on a tous appris à se dépasser dans la difficulté.

Où en est-on au niveau du taux de remplissage ? Des places de port et des boutiques ?

Le plan d’eau a donc été ouvert le 15 octobre, et, à ce jour, une douzaine de bateaux sont déjà amarrés, dont trois entre 40 et 50 mètres. Il va y avoir une montée en puissance progressive et nous pensons, raisonnablement, qu’une cinquantaine de bateaux passera l’hiver à Cala Del Forte, sachant que les réservations pour la prochaine saison estivale vont déjà bon train. Quant aux commerces, au nombre de 34, ils sont tous loués, à une ou deux exceptions près liées à des désistements dus à la Covid-19, mais qui vont être reloués. La moitié d’entre eux ont été livrés début novembre pour y être aménagés par leurs locataires et l’ensemble sera opérationnel au printemps prochain, tout comme le chantier naval, le distributeur de carburant et les 14 000 m2 d’espaces verts. L’inauguration de l’ensemble est prévue en juin/juillet prochain.

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