Présentation

Yacht Class n°14 (sept-oct-nov 2018)

Privilège Marine

Pour l’Euphorie 5, son nouveau catamaran à moteur, le chantier vendéen a « privilégié » la confection semi-custom, afin d’habiller au mieux les deux diesels qu’il accueille dans ses flotteurs, et de répondre au plus près aux aspirations du couple d’armateurs qui vient de prendre possession de ce croiseur sobre mais raffiné.

Texte : Philippe Leblond – Photos : DR

Bien que produisant une ligne de catamarans aux silhouettes similaires, tous dus à la « patte » de Marc Lombard, fidèle architecte de la marque, Privilège Marine se fait fort de proposer plusieurs solutions d’aménagements et d’équipement à sa clientèle. Cette philosophie du sur-mesure, pour ce qui est de l’espace habitable, s’illustre aussi avec le moins grand de ses modèles, à savoir ce nouvel Euphorie 5, directement dérivé de son Série 5 (15,24 m), premier modèle d’une gamme de trois catas à voile comptant aussi les Série 6 (19,50 m) et Série 7 (24,83 m), dont le chantier des Sables espère aussi proposer prochainement une déclinaison « moteur ». Ce bateau que nous avons pu barrer au large des Sables d’Olonne partait quelques jours plus tard aux mains de ses propriétaires, un couple de Belges, dont le port d’attache est Valence (Espagne), et qui naviguera majoritairement en Méditerranée.

Un Accès au fly des plus aisés

Comme tout catamaran de croisière, l’Euphorie possède un faible ratio longueur/largeur, tout au bénéfice des espaces de vie à bord. Dès l’embarquement, on est séduit par le spacieux cockpit, entièrement abrité par le flybridge et ses deux belles banquettes dont une, avec sa grande table, assume le rôle de salle à manger d’extérieur. Assis à cet endroit, on jouit d’une belle vue mer à presque 180°, à condition que l’annexe soit à l’eau car, sur ce bateau, elle est à poste sur bossoirs. A flot, elle libère un espace supplémentaire de circulation qui relie les plates-formes de bain, lesquelles se montrent généreuses avec chacune leur douchette (chaud/froid) et leur large escalier revêtu de teck à joints clairs, à l’exemple du cockpit. L’accès aux cales moteurs s’avère assez pratique, avec une large ouverture et une échelle verticale. A bâbord, on y trouve les multiples vannes des circuits d’eau et réservoirs et le dessalinisateur, tandis qu’à tribord, y est logé le générateur Onan, lui aussi facile d’accès. Les larges passavants sont sécurisés par un bastingage inox et une fargue en teck. Une ouverture de coupé facilite l’embarquement lorsque le bateau est amarré parallèle au quai. Les nombreux capots de pont des cabines (presque flush) ne gênent pas vraiment les déplacements, et les « trampolines » sont restreints. On apprécie le large rostre qui supporte le double mouillage et son puissant guindeau avec commandes locales (au pied). Les taquets sont largement dimensionnés, comme les ancres, et bien placés. Mais, le point fort de l’Euphorie en matière de déplacements sur le pont réside dans la possibilité qu’il y a de gagner directement le flybridge en « escaladant » la pente douce du rouf, sans qu’on soit dans l’obligation de rejoindre l’escalier du cockpit. Les deux matelas de bain de soleil et le portillon laissent un passage central très pratique mais sans main courante (attention en navigation par mer formée !). 

Cabines : trois variantes d’aménagements

Du niveau supérieur, on apprécie la vue panoramique. Une grande banquette en U et un meuble-cuisine/bar tiennent compagnie au poste de pilotage servi par deux fauteuils dont l’assise se relève à moitié. La large planche de bord permet d’intégrer sans mal deux écrans de 12’’ et la panoplie d’instruments Yanmar. Bien en face du pilote trône un gros compas. On aurait toutefois apprécié un design plus audacieux pour ce tableau de bord, qui a au moins le mérite d’être fonctionnel, malgré l’absence de vide-poches. Poussons la porte coulissante du cockpit pour pénétrer dans l’espace « réception » de l’Euphorie. Dès le premier coup d’œil on constate le bénéfice de ce plan qui a poussé le poste de pilotage sur le fly au profit de l’unité salon-salle à manger/cuisine (hauteur sous barrots (HSB) : 2,08 m). Cet espace ouvert fait preuve d’une belle fonctionnalité, et l’apport en lumière directe est appréciable. La banquette en L du salon peut accueillir sept personnes. La décoration « simple et de bon goût » associe des vaigrages et des banquettes en Alcantara à du mobilier en chêne clair, contrastant avec le parquet plus foncé. Le grand plan de travail de la cuisine est en Corian blanc cassé. Nous sommes loin d’une déco « bling-bling », mais la qualité des finitions parle pour elle. Un petit espace table à cartes, tourné vers le cockpit, dispose de répétiteurs des instruments du poste de pilotage, permettant un contrôle de la bonne marche du bateau lorsqu’on est sous pilote automatique. 
Au niveau inférieur, les flotteurs abritent les quatre cabines. Enfin, quatre pour cet exemplaire, car Privilège Marine va jusqu’à proposer trois plans différents. Les variantes concernent la partie avant, avec deux (belles) cabines identiques (HSB 1,97 m, couchage 200 x 160 cm), comme sur ce bateau, ou un aménagement deux tiers/un tiers, avec une cabine propriétaire plus spacieuse à tribord qu’à bâbord, à moins que vous ne désiriez la suite armateur, occupant la pleine largeur (flotteurs + nacelle), soit plus de sept mètres ! Mais en l’état, pour un 50 pieds, les deux cabines avant, similaires, sont d’un volume remarquable… Chaque cabine, sur le modèle d’essai, possède ses sanitaires avec cabinet et toilette et douche séparés, à l’exception de la cabine arrière tribord (HSB 2,02 m, couchettes twins 198 x 80 cm) qui se contente d’un cabinet de toilette (HSB 1,94 m) en raison de la présence du grand tableau électrique, et devra partager la douche de la cabine avant. Ici encore la décoration est sobre et élégante, et les finitions simples mais soignées.

Deux diesels efficaces et discrets

Le moment est venu de quitter le poste d’amarrage, situé au pied des hangars du chantier, histoire de voir si ce transfuge de la propulsion vélique s’adapte bien à la propulsion mécanique. Premier point positif : l’absence de fumée et de vibration des deux diesels au démarrage. Du poste de pilotage situé sur le flybridge – il n’y en pas d’autre si l’on excepte les commandes répétées dans le cockpit pour les manœuvres de port – le ralenti des deux Yanmar est à peine audible. Pas de joystick de manœuvre à bord de cet Euphorie… Mais est-ce vraiment nécessaire ? Sincèrement non. Les centres de poussée étant très éloignés l’un de l’autre, c’est avec une aisance propre aux catamarans que le bateau se faufile hors de son emplacement et pivote pour gagner le célèbre avant-port des Sables, où les fidèles du Vendée Globe colorent l’intégralité des jetées le jour du départ. Un petit exercice de manœuvrabilité sur 180° nous montre qu’avec 1 100 tr/min sur chaque inverseur (l’un en avant, l’autre en arrière), il ne faut que 28 secondes à l’Euphorie pour faire volte-face sans sortir de son cercle d’évitage. Arrivés au-delà des 300 mètres, nous poussons progressivement les accélérateurs. Pour plus de commodité, nous synchronisons les deux régimes sur un seul levier. Les diesels japonais se montrent toujours d’une exemplaire discrétion sonore, mettant en évidence l’excellent travail du chantier, tant en montage qu’en isolation phonique (ni vibrations, ni sifflement des turbos). Quelques relevés au sonomètre nous confirment cette impression de calme : 49 dBA au ralenti dans le salon, 46 dans les cabines avant, 52 dans les cabines arrière. Cette mesure, au régime de croisière s’affiche respectivement à 66, 62 et 72 décibels. Les deux cabines arrière sont un peu plus « sonores » car plus proche des moteurs. Des valeurs très convenables pour un 50 pieds.

Un seul poste de pilotage…

Parvenus au régime maxi, notre meilleure marque (GPS) se fige sur 21,5 nœuds. Avant cette sortie, Privilège nous avait annoncé 21 nœuds… Contrat rempli donc, sur un plan d’eau tout juste ridé par un léger vent mais parcouru d’une houle oscillant entre 1 m et 1,50 m. A cette allure semi-planante, par mer de face, le tangage est relativement sensible mais tout à fait normal dans la mesure ou la carène suit les ondulations. Mais l’on apprécie l’incroyable glisse des coques aux entrées d’eau ultra fines. A défaut de clapot, le passage dans le sillage d’un petit chalutier nous confirme l’étonnante capacité des catamarans à couper la vague sans dégrader le confort. Impossible avec les conditions rencontrées de juger du passage dans une mer formée et cassante, ce qui n’est pas toujours le fort des catas en raison de la nacelle qui rassemble les flotteurs. Dans ce cas de figure, l’importante hauteur de franc-bord de l’Euphorie devrait être un atout. Notre réserve concernerait plutôt le choix d’un poste de pilotage unique et extérieur. Pour préserver l’intégrité de l’espace salon/cuisine, le chantier a choisi un unique poste de barre sur le fly. Le petit pare-brise sera-t-il suffisant à protéger efficacement l’équipage avec une météo défavorable ? Nous ne le pensons pas. Heureusement, une fermeture intégrale du fly par taud fenêtré est prévue…
Terminons l’essai avec quelques chiffres qui traduisent l’identité de « catamaran de voyage » de l’Euphorie. Certes, ce dernier ne brille pas par son punch (24’’5 pour passer de 0 à 20 nœuds), mais ses qualités sont ailleurs. Ce qui fait son intérêt tient surtout dans des rendements moteurs hors du commun, avec notamment une allure de référence à 15,5 nœuds et 3 000 tr/min, avec à la clé 0,23 mille parcouru par litre de gazole consommé. De quoi couvrir 225 milles sans ravitailler, soit un aller-retour Cannes-Calvi en conservant une belle réserve de sécurité. Et si l’on n’est pas pressé, à 6,6 nœuds et 1 250 tr/min, une vitesse de voilier, il est capable de parcourir près de 1 000 milles, grâce à un rendement de 1 mille par litre. Ce rayon d’action mériterait sans doute une rallonge, à l’attention des amateurs de longues traversées qui naviguent dans des zones plus « désertiques ». Il suffirait pour cela d’augmenter la capacité en carburant car, de leur côté, les moteurs font le job.


Construction : du sérieux !

Bernard Voisin (responsable technique au bureau d’études), 35 ans d’expérience au service de la construction, était sans doute le mieux qualifié pour nous parler des « dessous » de l’Euphorie… « Pour le gros œuvre en polyester, nous utilisons la technique de l’infusion et un sandwich de mousse Divinycell, avec des inserts de bois aux endroits stratégiques. Nous posons aussi des inserts d’alu pour la fixation de l’accastillage, sans oublier les épontilles inox pour la casquette de fly. Le pont et les bordés sont renforcés par des omégas en mousse stratifiés. Un moyen d’allier rigidité et légèreté, l’Euphorie n’accusant que 20 tonnes sur la bascule. Pour ce qui est des blocs-meubles, de la sellerie et de l’accastillage, nous faisons appel à des sous-traitants de la région. Concernant les moteurs, nous avons référencé deux marques : Volvo et Yanmar. Mais sur demande particulière, nous pouvons monter autre chose, en prenant gare au poids pour ne pas trop charger la poupe. Pour le générateur, nous avons choisi Onan, en 7kW ou 11 kW. Le parc de batteries s’élève à 800 ampères, mais si besoin, on peut passer à 1 000 ampères (le chantier propose l’air climatisé) et, sur demande, opter pour des batteries au Lithium. »

Fiche technique

Longueur hors-tout
15,24 m
Largeur
7,98 m
Tirant d'eau
1,10 m
Capacité carburant
2 x 545 l
Eau
2 x 300 l
Matériau
polyester sandwich Divinycell
Déplacement
lège : 20 t
Motorisation
2 x Yanmar 8LV-320 diesel
Puissance
2 x 320 ch
Vitesse maxi
21,5 nds
Autonomie à
15,5 nds en croisière : 225 milles
Prix
HT : 1 135 800 € avec 2 x Yanmar 320 ch
Architecte naval
Cabinet Marc Lombard
Designer extérieur
Cabinet Marc Lombard
Designer intérieur
Franck Darnet Design
Constructeur
Privilège Marine (Les Sables d’Olonne)

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