Yacht Class n°28 (mars-avril-mai 2022)

Yacht Club de Monaco

Du 12 au 16 janvier dernier, le Yacht Club de Monaco (YCM) a accueilli sa 12e Monaco Optimist Team Race (MOTR). Avec de magnifiques conditions, le rendez-vous de la future élite de la voile mondiale a une nouvelle fois été un succès.

Par Aurore Teodoro – Photos : Mesi / YCM, Mauro Cozza

Avoir les drapeaux qui flottaient au-dessus de l’entrée de la meeting room en ce matin ensoleillé de janvier, difficile de ne pas penser que le Yacht Club de Monaco avait réussi un joli tour de force dans ce contexte sanitaire international incertain. États-Unis, Suède, Italie, Uruguay, Ukraine, ou encore Chili, le petit nouveau de la compétition, représenté par le Club Escuela Deportes Náuticos de Puerto Williams, petite commune de la pointe sud de la Patagonie à 13 035 kms de Monaco… Ils étaient venus de loin pour participer à la douzième édition de la Monaco Optimist Team Race.

Un véritable festival de langues et de couleurs qui réunissait, dans une ambiance à la fois festive et sérieuse, les espoirs de la voile mondiale. « C’est un grand plaisir parce qu’on s’adresse à la jeunesse et donc on a l’impression un peu de participer au nouveau monde. Nous sommes dans la transmission des valeurs du sport, de tout ce que représente le yachting aussi. C’est important. Et puis aussi c’est le couronnement de beaucoup de travail et de notre engagement envers les jeunes – et les moins jeunes – et en tout cas envers notre démarche ‘Monaco, capitale du yachting’ bien sûr », se satisfaisait Bernard d’Alessandri, le secrétaire général du YCM.

Il faut dire que, depuis sa création en 2010, la MOTR n’a cessé de prendre de l’ampleur. Et cette édition « retrouvailles » a une nouvelle fois été un beau succès, puisque quinze équipes – dont quatre clubs jumelés (voir notre cahier Yachting Around the World) – ont répondu à l’appel du YCM. Seize, si l’on compte la flotte britannique qui, malheureusement, a dû annuler sa participation peu de temps avant l’événement. « Les restrictions sanitaires de leur pays et des nôtres engendraient trop de changements, de tests, une quarantaine », explique Guillaume Dubos, moniteur de voile au club monégasque et chef de projet de la compétition, qui attribue le succès de la MOTR à la venue « en Principauté et au Yacht Club de Monaco. C’est toujours sympathique, et on a la chance cette année – et sur quasiment toutes les éditions – que le beau temps soit au rendez-vous. On a du vent, on arrive à faire tous nos matches. Le club sait parfaitement organiser ses épreuves et je pense que c’est aussi pour cela que les équipes sont fidélisées et qu’elles ont plaisir à revenir ».

Un rendez-vous prisé de l’élite

En préambule, certains équipages avaient d’ailleurs rallié la Principauté en amont de la compétition, qui commençait le jeudi, pour un stage sous la houlette de Philippe Gomez, jury et pointure dans le monde du team-racing, également responsable de la partie réglementation au sein des équipes de France. Une mise en bouche de haut vol pour les sept nations engagées. « C’est toujours intéressant que les jeunes viennent s’entraîner et se confronter entre différentes nations. Ça les met dans le bain de la semaine durant laquelle ils vont apprendre des choses aussi sur le team race. Tous les clinics que l’on organise font toujours le plein », souligne Guillaume Dubos. Et cette année, cet échauffement leur a offert un magnifique terrain de jeu avec 10-12 nœuds de sud-ouest. « On a fait trois jours avec des conditions incroyables, entre trois et quatre heures d’entraînements quotidiens.

Nos jeunes se sont un peu rassurés parce qu’ils avaient un peu d’appréhension du fait qu’ils sont un peu débutants (en team racing). Mais ils ont vu que d’autres équipes étaient largement prenables et c’est le grand jeu de ce format. On peut être une grosse nation de l’Optimist sur le papier, tout est un peu remis à zéro parce qu’avec un mental de dingue, il peut se passer plein de choses », confirme Margaux Meslin, la coach monégasque. De quoi prendre le plein de confiance car la MOTR s’est imposée au fil des ans comme l’un des principaux évènements de team racing à travers le monde et attire l’élite de la discipline.

A l’image de l’équipe nationale américaine qui comptait dans ses rangs Gil Hackel, le vice-champion du monde de la série en 2021. Cette dernière – titrée en 2020 – faisait d’ailleurs partie des équipes à surveiller. Et ce, même si cette 12e édition a rebattu toutes les cartes. Car avec la pandémie de Covid-19, pas de compétition à droite, à gauche pour apprécier le niveau des concurrents. Et, avec l’annulation de la MOTR 2021, une bonne partie des engagés de 2020 ont aujourd’hui dépassé l’âge limite de 14 ans, ce qui a entraîné un grand renouvellement des régatiers. Ce fut le cas notamment pour les jeunes Monégasques de Margaux Meslin. « Nous avons deux garçons et deux filles. Matteo, le plus expérimenté, en est à son 2e team race. Les trois autres font partie d’une nouvelle génération, et vivent leur première fois sur ce format. Ils ont dû apprendre ces nouvelles règles et nouveaux systèmes, mais ils ont une grosse envie donc je pense que cela va bien se passer », soulignait la coach monégasque.

La stratégie avant tout !

Il faut dire que team racing est un format bien différent des parcours bananes des régates côtières traditionnelles. Cette compétition met aux prises deux équipes de quatre régatiers, chacun sur leur petit dériveur en solitaire, dont le seul objectif est de ne pas franchir dernier la ligne d’arrivée. Un format qui requiert stratégie, partage des tâches, mais également une attention à tous les détails, une anticipation technique et tactique, le tout agrémenté d’ingéniosité mais surtout d’un sacré esprit de groupe. Et à chacun sa stratégie ! Pour Matteo Asscher (14 ans), Ludovica Bonelli (12 ans), Alexandra Santelli (10 ans) et Simon Prot (13 ans) du YCM, c’était « de ne pas jouer sur le match mais plus sur la vitesse.

On va faire parler notre point fort », nous confiait Matteo, le capitaine, après la cérémonie d’ouverture, sous les protestations de sa coéquipière Ludovica. « Gli hai detto tutto » (tu lui as tout dit, en italien) s’exclamait-elle alors que son équipier ajoutait : « sur le papier, on n’est pas forcément les meilleurs. Mais en team race, si on fait bien parler notre vitesse, qu’on arrive à bien matcher, avec notre bonne entente et de la communication, cela peut très bien se passer ». Une théorie qu’il n’allait pas tarder à vérifier car si Eole s’est fait désirer le premier jour, ne permettant pas la tenue de la moindre régate, les jours suivants ont répondu à toutes les attentes, comme le révèle Thierry Leret, le directeur de course : « On a eu soleil, une mer plate, et un vent entre 5 et 10 nœuds sur ces trois jours-là », souligne le directeur de course qui a pu organiser l’intégralité du round robin (format dans lequel chaque participant rencontre l’ensemble des autres participants), soit 105 matches, plus les phases finales – demies, finale et troisième place – qui opposaient les quatre meilleures formations. « Le 1er rencontrait le 4e. Le 2e, le 3e.

Ils s’affrontaient au meilleur des deux manches : une victoire plus une revanche et la belle si nécessaire », explique Thierry Leret. Et à ce jeu-là, ce sont les Américains qui ont régné sans partage en remportant l’intégralité de leurs matches, s’octroyant leur deuxième victoire consécutive sur la compétition. « Les Croates, les Allemands et les Finlandais se sont bien battus pour accéder au podium, mais il y avait quand même une ultra-domination. Les autres n’avaient aucune chance.

Après, c’est vrai que c’est aussi une équipe nationale qui réunissait les quatre meilleurs Américains en Optimist, alors que tous les autres représentaient un yacht club », rappelle le directeur de course. Quant aux régatiers monégasques, le bilan de cette compétition est très satisfaisant. « Seul un d’entre eux avait déjà connu ce système-là. Pour les trois autres, ce format était nouveau et ils finissent quand même 7e sur 15. C’est une très belle performance », précise le directeur de course avant d’ajouter. « Dans l’équipe, on avait deux très jeunes filles. Avec elles, on mise sur l’avenir, parce qu’en raison de la limite d’âge, le capitaine Matteo va céder sa place pour l’année prochaine. » On a hâte de les voir de nouveau en action l’an prochain puisque la 13e édition de la MOTR est déjà prévue du 11 au 15 janvier 2023.


Le YCM à la pointe en matière sanitaire

« Adapter, être inventif, résister », des mots qui résument bien la politique du YCM en ces temps d’incertitudes sanitaires. « Passés les premiers jours anxiogènes, le premier confinement nous a permis de réfléchir à comment se protéger au mieux », souligne Olivier Campana, directeur général adjoint en charge de l’exploitation du club, de la marina et de la section sportive. Hôte de nombreux événements internationaux d’envergure, le club monégasque a très vite mis en place un protocole pour garantir le bon déroulement des opérations, en plus des mesures « classiques » préconisées par les autorités publiques. Après avoir fait former les équipes par des spécialistes, « on a fait appel à un bureau d’études spécialiste de l’hygiène hospitalière pour le traitement de l’air qui, après un audit, nous a conseillé les appareillages de désinfection de l’air par rayonnement ultraviolet.

C’est une technologie éprouvée, utilisée par des ambulances, les pompiers ou encore en salle d’opération, qui existait avant la pandémie. On est le premier établissement, et peut être encore le seul en Principauté à utiliser ce système », souligne Olivier Campana avant de rappeler : « les marins ont l’habitude du vase clos et de la quarantaine, qu’ils ont inventée. L’avenue de la Quarantaine (à Monaco), c’était pour les bateaux”. Notons que le club s’est également doté d’un système de pédales pour commander les ascenseurs. “C’est mon idée. Cela permet d’éviter les contacts (…) Tous les ascenseurs en sont équipés depuis le début. C’est d’une facilité et cela ne coûte rien par rapport à d’autres choses. Il est important que nous ainsi que ceux qui fréquentent le club se sentent en sécurité.

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