Yacht Class n°23 (dec 2020/jan-fev 2021)

Le principe existe déjà pour certains modes de transports terriens, le voilà pour la première fois adapté sur un bateau de plaisance, l’Hynova 40. Les deux moteurs électriques de ce dernier sont de façon classique alimentés par des batteries. La nouveauté : l’énergie électrique est fournie par une pile à combustible qui fonctionne à l’hydrogène. Avantage : une plus grande autonomie et de meilleures performances.

Texte : Alain Brousse – Photos : Alan et DR

C’est une évidence, la mer est l’une des premières victimes de la pollution qui entraîne un réchauffement climatique avec toutes les conséquences négatives que cela induit. Dans le collimateur des défenseurs de notre planète dont la Principauté de Monaco, en première ligne : sept gaz dits à effet de serre dont le CO2 que recrachent sans vergogne les moteurs thermiques, dits à explosion, qu’ils soient à essence ou diesel. Les pays européens pour ne citer qu’eux s’engagent de plus en plus dans cette chasse au monoxyde et dioxyde de carbone. Un exemple : la France a décidé un plan de 7,2 milliards d’euros d’ici à 2030 pour le développement de ce carburant vert. En plaisance, depuis une dizaine d’années, apparaissent régulièrement des bateaux mus par des moteurs électriques. Ces derniers respectent parfaitement l’environnement mais ils ont des contraintes d’autonomie.

Un gaz qui génère de l’énergie électrique

Aussi sur des unités de plus de dix mètres ces engins électriques ont-ils besoin d’être « secondés » par un ou plusieurs générateurs thermiques. Faute de pouvoir être suffisamment fournis en énergie électrique par des batteries dont les capacités sont limitées (obligation de les recharger avec le générateur – retour à la pollution – ou de faire escale). Quant aux panneaux voltaïques, la plupart du temps, ils n’assurent que l’électricité nécessaire aux besoins de la vie à bord (hors climatiseurs ou équipements de cuisine). Il y a de fortes chances que la bonne solution, si ce n’est l’idéale, pourrait venir de l’hydrogène vert qui, lui, est bien un carburant non polluant. Mais il ne remplace en aucun cas l’essence ou le gazole, et donc ne peut alimenter un moteur thermique. Explication : l’hydrogène vert se présente sous la forme de gaz uniquement. On le guide donc vers une pile à combustible dont le rôle est de transformer ce gaz en électricité (phénomène d’oxydation entre deux électrodes) qui ensuite est tout simplement dirigée vers un ou plusieurs moteurs électriques. Ainsi, le zéro pollution est garanti, hormis des rejets d’une eau non polluante. Voilà pour le principe qui n’en est pas à ses prémices du moins dans le secteur des véhicules industriels. Pour ce qui nous concerne, l’EVER Monaco a été un révélateur, celui du premier bateau à hydrogène dans lequel les acteurs sont majoritairement français.

Une alliance franco-japonaise

La Principauté de Monaco poursuit avec une indéniable persévérance son combat contre les énergies polluantes. Ainsi, mi-septembre, avait lieu l’EVER Monaco, un salon dédié à la mobilité durable, les véhicules écologiques et les énergies renouvelables. Les scientifiques étaient bien présents afin de présenter les nombreuses avancées effectuées dans le sens du « zéro CO2 ». A cette occasion nous avons découverts un day-boat de 40 pieds du nom d’Hynova (Hy comme hydrogène et Nova comme innovation). Ce chantier, premier du genre, a été créé par une Française, Chloé Zaied, dont l’activité principale était jusque-là de gérer une société de location de day-boats dans la région très recherchée des calanques marseillaises. Très sensible au respect de l’environnement, elle a créé une marque Hynova et lancé un premier modèle de 40 pieds en polyester de type ouvert pour des sorties de jour propulsé par de l’hydrogène. Pour cela elle a fait appel à un architecte designer Exequiel Cano Lanza (il a longtemps collaboré pour Couach Yachts). Sur le plan de l’équipement elle a frappé à la bonne porte à savoir : Energy Observer Development qui, rappelons-le, avec son trimaran Observer a mis au point une propulsion hydrogène très élaborée : de fait, le multicoque pompe l’eau de mer dans laquelle se trouve les molécules nécessaires à produire de l’hydrogène via une pile à combustible. Cette dernière, connue sous le nom de REX H2, a vu le jour grâce à une technique d’origine japonaise puisqu’elle sort des bureaux d’études du constructeur automobile Toyota. Celui-ci commercialise depuis déjà plus d’un an une automobile fonctionnant à l’hydrogène, la Miria.

D’indéniables avantages

Sur le plan du design extérieur, ce day-boat ressemble à ce que l’on trouve notamment sur le marché des tenders modernes. Complètement ouvert il rassemble à l’avant une banquette, au centre un poste de commande, une autre banquette transversale et deux solariums encadrant une allée menant à la plate-forme de bains. En soulevant les deux panneaux supportant chacun un bain de soleil, nous découvrons la cale « névralgique » : à bâbord, deux réservoirs inox renforcé par de la fibre de verre contenant l’hydrogène, sous forme gazeuse, exerçant une pression de 380 bars. Celui-ci se dirige à la demande vers la pile à combustible dont les électrodes feront en sorte que le gaz se transforme en énergie électrique, tout ce que demande les deux moteurs électriques BorgWarner de 184 kWh chacun (2 x 250 ch) qui assurent la propulsion et permettent à l’Hynova d’atteindre 22 nœuds. En croisière, à 12 nœuds, son autonomie est de 96 milles. Avantages de la formule hydrogène : zéro pollution, niveau sonore très réduit, vibrations à la baisse, fort couple à bas régime grâce à l’engin électrique et donc un rendement a priori favorable. Points faibles : surplus de poids dû à la pile à combustible et à un nombre de batteries supérieures et par conséquence, encombrement. Aujourd’hui, le prix du kilogramme d’hydrogène vert est de 10 euros ce qui place le mille parcouru à 2,30 euros. Il convient enfin d’évoquer l’avitaillement car, à ce jour, quelle est la marina capable de fournir le très précieux carburant ? Pour répondre à cette interrogation Energy Observer Development a conçu un poste flottant, soit très prosaïquement une pompe à hydrogène qu’elle tente de commercialiser auprès des ports et des marinas.

En attente d’homologation…

En résumé, le bateau « zéro pollution » existe bel et bien, même s’il en est à ses premiers pas et qu’avant de pouvoir naviguer librement, il doit se soumettre à l’homologation. Comparé à un bateau identique en propulsion thermique, ce 40 pieds devrait coûter à l’achat environ 30 % plus cher, le prix du respect de l’environnement. Dans l’attente de développements plus ambitieux, coup de chapeau à Hynova, Exequiel Cano Lanza, Energy Observer Department et Toyota d’avoir ouvert la voie de la plaisance hydrogène.

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