YACHT CLASS N°11 (Dec-janv-fev 2018)

Infrastructures

En décembre 2016, après de longues années de tractation, la Principauté de Monaco acquiert le port de Cala del Forte à Vintimille. A moins d’un an de l’achèvement de la partie maritime, nous avons fait le point avec Daniel Realini, Directeur Général Adjoint de la Société d’Exploitation des Ports de Monaco.

Propos recueillis par Jean-Marc Moreno – Photos : DR

Daniel Realini

Où en sommes-nous des travaux ?

Les travaux ont redémarré en février 2017. A l’heure actuelle, ils sont surtout confortatifs et structurels, visant notamment à l’amélioration de la sécurité du plan d’eau. Nous rentrerons ensuite dans une phase beaucoup plus spectaculaire lorsque nous commencerons à équiper les quais et ses abords. Aujourd’hui, nous sommes dans le timing que nous avions annoncé : le port sera achevé pour la partie maritime à l’été 2018 et entièrement terminé – le port, les parkings, les commerces et les abords – pour l’été 2019.

Y aura-t-il des services spécifiques pour les usagers ?

Il est plus facile de prévoir des services modernes sur un nouveau port que de transformer une structure déjà existante. Nous avons d’emblée prévu des bornes électriques très importantes, y compris pour les bateaux, afin de répondre à leurs besoins actuels comme futurs. C’est dans cette optique d’avenir également que nous avons surdimensionné les équipements. Naturellement il y aura tout un système de pumping-out (pompage des eaux grises et noires qui se fera directement à partir des bornes de distribution de fluides) sur l’ensemble du périmètre portuaire. La borne sera équipée pour l’électricité, l’eau, téléphone, télévision… Nous étudions également la possibilité d’utiliser les énergies renouvelables, notamment sur le mur chasse-mer de 200 m de long qui pourrait par exemple accueillir des panneaux solaires alimentant une partie des installations.
Tous les services de Cala del Forte se feront sur les mêmes standards qu’au Port Hercule. Nous souhaitons qu’il reçoive également le label européen « Port propre » que nous avons en Principauté depuis 2011. Nous sommes également en train de finaliser sur Monaco la certification ISO 9001 à 14001, et nous ferons de même pour le port de Cala del Forte. Ce sont les meilleurs standards possibles.

Combien y aura-t-il d’employés ? Qui établira la logistique de la Marina ?

Nous n’avons pas encore d’organigramme, c’est aujourd’hui prématuré. En revanche nous avons déjà recruté le futur directeur du port de Cala del Forte (voir encadré), qui sera opérationnel dès le mois de janvier 2018 et suivra les travaux. C’est toujours intéressant pour un gestionnaire de voir comment la mécanique s’est mise en place, les problématiques éventuelles… C’est pourquoi nous l’avons recruté très en avance. Et à son arrivée en janvier, nous établirons ensemble un organigramme fonctionnel adapté à la taille du port.
Quant à la logistique, la gestion intrinsèque de l’infrastructure se fera à Cala del Forte. Cependant la structure ne sera pas autonome mais en étroite synergie avec la stratégie de politique commerciale des Ports de Monaco. Imaginons par exemple qu’un bateau de 40 mètres souhaite venir en Principauté du 1er au 15 juillet. Si nous n’avons une place que du 5 au 15, il ira 5 jours à Cala del Forte. Après, il pourra éventuellement rejoindre Monaco.

Quelle sera la répartition entre les places en acquisition et celles en location ?

Sur 171 places, nous allons en vendre une centaine en amodiation pour une période de 40 ans. Ce qui veut dire qu’au bout de ces 40 ans, notre concession courra encore pour 35 ans et nous pourrons de nouveau vendre ces places.

Sur ces ventes, quel sera le ratio en terme de taille ?

Nous n’étions pas très optimistes sur les petites places, mais leur commercialisation marche très bien. La répartition sera harmonieuse entre les différentes tailles, sachant que nous allons conserver quelques places intéressantes de 40-50 mètres pour les unités de passage. Et il faut préciser aussi que, dans la variante 3 que nous avons déposée (plus rationnelle pour le bon fonctionnement du port), nous avons prévu une place de 70 mètres, avec sa zone privative en bout de digue, qui devrait se négocier à des prix très élevés.

Quel sera l’usage des places restantes ?

Les 70 autres places seront réservées au passage, pour des périodes plus ou moins courtes. Cela nous permettra plutôt d’optimiser ces mouvements pour créer une synergie avec Monaco. Nous pourrons par exemple envisager une location de sept mois pour l’hivernage (du 1er octobre au 30 avril) – parce qu’ici nous avons 50 bateaux sur liste d’attente – et puis, en haute saison, dédier ces places aux unités de passage.

Un chantier maritime est-il envisagé dans le port Cala de Forte ?

Dans la variante 3, nous avons amélioré la structure du chantier naval en l’agrandissant légèrement. Ainsi, la voirie qui passait au milieu a été déviée sur l’arrière, l’entrée du « Travel Lift » qui était trop inclinée, a été réorientée. Nous avons aujourd’hui quelques contacts, nous ne devrions pas avoir de soucis particuliers. Le chantier naval fait partie du dossier approuvé, on ne peut pas ne pas le faire. Il y aura aussi un distributeur de carburants.

A quel public seront destinées les navettes au départ du port ?

Il faut bien insister là-dessus, parce que des rumeurs commencent à courir. En aucun cas, il n’y aura de navettes régulières, ni de services commerciaux reliant Monaco à Cala del Forte. C’est simplement une prestation que nous offrirons à nos clients pour permettre aux propriétaires ou à des invités d’aller de l’un à l’autre, dans le cadre de cette synergie entre les deux ports. Ce sera privatif et à la demande. Il en va de même pour la petite hélistation prévue dans la variante 3 qui pourra accueillir ponctuellement les hélicoptères des armateurs. C’est en bonne voie, même si elle n’est pas encore autorisée.

Avez-vous envisagé de transformer l’accès ainsi que les alentours du port ?

Nous avons tout un ensemble d’obligations règlementaires qui nous ont été imposées par la mairie de Vintimille et notamment celle de refaire entièrement les abords du port, et toute la voirie de la Via Marconi (jusqu’à l’embouchure de la Roya, ndlr) : enrobés, réseaux d’assainissements, trottoirs, éclairages publics. Dans ce package, un ascenseur vertical est également prévu au milieu du tunnel menant au port. Il conduira à la vieille ville, ce qui permettra de la désenclaver et de la rendre accessible aux plaisanciers et au public.

Quid des boutiques dans l’enceinte du port ?

Nous avons 3 500 m2 de commerces, qui aujourd’hui ne sont pas définis, mais pour lesquels nous avons déjà beaucoup de demandes. Nous allons faire une sélection, il y aura des shipchandlers et aussi sûrement un petit snack pour les équipages. Les surfaces seront modulables en fonction des demandes. Soulignons également que dans le cas de la variante 3, nous avons réussi à créer des caves à l’arrière des commerces, qui offriront des espaces de stockages aux bateaux. Pour la commercialisation, quand on parle de cela, c’est le Graal.

Qu’en est-il du stationnement ?

Il y a 450 places de parking qui seront en grande partie destinées aux plaisanciers. Le parking a été par ailleurs volontairement surdimensionné pour pouvoir également accueillir les invités des yachts.
Nous gérerons également le reliquat, notamment le stationnement en surface, et les recettes seront peut-être partagées avec la mairie, mais cela reste encore à définir.

Un programme d’urbanisation est-il également prévu ?

Le précédent propriétaire du port avait prévu une opération immobilière, qu’il n’a pas non plus réalisée. Aujourd’hui la parcelle destinée à une urbanisation est à la vente. Et je crois savoir qu’un promoteur sérieux serait sur le point de signer. Ce serait un atout indéniable d’avoir toute cette zone-là urbanisée. En ce moment nous consolidons les alentours, en tenant compte de futures fondations, ce qui le rendra prêt ensuite à accueillir un programme immobilier. Il sera composé d’habitations de luxe, et ce promoteur devrait également racheter deux petits hôtels à proximité. Pour nous, cela finaliserait l’ensemble du périmètre portuaire, en dehors de notre enceinte. C’est important pour nos plaisanciers d’avoir une vue sur une opération d’urbanisme réalisée.

Marco Cornacchia à la direction du troisième port de la Principauté

Le nouveau directeur de Cala del Forte n’est pas un novice en matière de direction d’infrastructures portuaires puisque Marco Cornacchia est depuis 2011 à la tête de la Marina de Lonao, commune voisine de Ligurie, qui peut accueillir plus de 900 bateaux de 6 à 77 mètres. Avant cela, cet ancien navigateur, qui a notamment remporté une Coupe Louis Vuitton, une Copa del Rey et une Sardina Cup, sans oublier cinq titres de champion du monde dans diverses classes, a également été partenaire et responsable de la section nautique Fly Boat Srl puis consultant auprès de la Marina de Rimini (Italie). Notons par ailleurs qu’il possède également la qualification d’officier de sûreté des installations portuaires délivrée par RINA.

Marco Cornacchia

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