Yacht Class n°10 (sept-oct-nov 2017)

Yacht Club de Monaco

Depuis un an, Boris Herrmann trace sa route avec Pierre Casiraghi. Après le catamaran à foils Malizia, un GC32, les voilà engagés dans une autre aventure, à bord de leur nouvel IMOCA à foils. Leur prochain objectif est on ne peut plus ambitieux : le Vendée Globe 2020.

Propos recueillis par Aurore Teodoro – Photos : Marian Chytka, Sidney Guillemin, Mesi / Yacht Club de Monaco

Marin depuis sa tendre enfance, c’est à l’âge de 16 ans que la route de Boris Herrmann croise celle du Vendée Globe. Fasciné par cette aventure humaine, « presque plus que par le challenge en lui-même », il succombe rapidement à l’appel des régates. Après des débuts en dériveur, il multiplie les projets. Une première mini-transat en solo à 19 ans, un victorieux tour du monde en double… Aujourd’hui, engagé avec Pierre Casiraghi dans l’aventure Malizia, le navigateur s’apprête à vivre son rêve. A bord de l’ancien Gitana 16, rebaptisé Malizia II et qui porte désormais les couleurs du Yacht Club de Monaco, il deviendra le premier Allemand à participer au Vendée Globe.

Comment avez-vous rencontré Pierre Casiraghi ?

Je faisais partie de l’équipe Maserati de Giovanni Soldini (membre du YCM, ndlr) en 2013 pour la « Cape Town to Rio ». Giovanni me présente, mais sans plus, un jeune navigant. C’était Pierre. J’étais en train de changer un câble pour une antenne GPS. Je lui ai alors demandé s’il ne voulait pas aller à l’intérieur du bateau pour changer ce câble pendant que j’installais l’antenne. Il faisait peut-être 40° dedans, c’était très inconfortable mais il n’a pas hésité. Au bout d’une heure, il est sorti complétement trempé après avoir parfaitement rempli sa mission. C’était le début d’une belle histoire, d’une belle amitié… suivie par une magnifique course, que nous avons gagnée après 10 jours de glisse dans les Alizés du Sud.

Cette rencontre a donc été un tournant… ?

Cela m’a beaucoup motivé. Il m’a dit : « ton rêve est super et je vais t’aider ». Pierre a été séduit par le GC32. Et c’est comme cela que le projet Malizia est né. Puis l’an dernier, j’ai fait une rencontre en Allemagne qui nous a accompagnés au départ du Vendée Globe. Il a vu le soutien du Yacht Club et de Pierre, que nous avions une structure, des idées et de bonnes pistes pour le sponsoring, et il a décidé de prendre le risque de financer le bateau. Maintenant, à nous de continuer à construire ce projet.

Les GC32 et les IMOCA sont deux programmes exigeants. Allez-vous mener les deux en parallèle ?

C’est compliqué, mais possible. Nous sommes plutôt dans l’optique de basculer l’an prochain sur Malizia II, tout en faisant quelques courses avec le GC32. Ces deux bateaux créent une dynamique intéressante : d’un côté des manches courtes sur un bateau volant, de l’autre de longues courses au large.

Pourquoi avoir choisi cet IMOCA ?

Nous avons visité bon nombre de bateaux potentiellement à vendre. Mais c’était celui-là que je voulais. Il a été tellement bien conçu par l’équipe Gitana qui a dépensé une énergie folle pendant deux ans, avec 15 à 20 personnes, pour le mettre au point. Son design était le plus radical. Ils ont poussé pour construire un bateau léger avec un centre de gravité très bas. Cela se voit dans de nombreux détails, comme l’ergonomie du cockpit. On savait qu’il allait être à vendre parce que Gitana construisait déjà son maxi trimaran.

Le prochain Vendée Globe est en 2020…

On nous demande souvent comment nous allons gagner avec un bateau qui a déjà deux ans. Nous avons plus de trois années d’entraînement devant nous. C’est rare de pouvoir faire de véritables navigations sportives. Nous connaîtrons parfaitement ce bateau alors qu’avec des modèles neufs, il y a toujours tellement de choses à régler. Après, le mât et la quille sont monotypes, mais nous pourrons changer les foils. Et c’est certainement dans ce domaine que l’évolution va se jouer. Nous allons observer durant les prochains mois avant de choisir une direction.

Comment appréhendez-vous cette course en solitaire, sans escale et sans assistance ?

Avec un vent stable, les bonnes voiles, l’allure idéale, le pilote automatique barre. On est dans la même position de contrôle qu’un pilote d’avion de ligne. On vérifie la météo, le bon fonctionnement du bateau, la production d’eau et d’énergie… Le challenge commence lorsqu’il faut changer les voiles. C’est là que l’expérience entre en ligne de compte. Il faut toujours anticiper, ne pas se mettre dans des situations où ce n’est plus gérable seul, et surtout éviter les erreurs. Aujourd’hui, je pense surtout au phénomène mental. C’est l’inconnu. Je n’ai jamais été seul trois mois.

Quel sera votre objectif ?

J’ai beaucoup d’admiration pour Alex Thomson ! Je lui souhaite presque de gagner, même si c’est un peu paradoxal. Mais notre objectif, c’est d’être dans le match avec le premier, de ne pas faire le Vendée Globe juste pour participer.

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