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Yacht Class n°14 (sept-oct-nov 2018)
Yacht Club de Monaco
En juin dernier, neuf IMOCA 60 ont pris le départ d’une toute nouvelle épreuve organisée par le Yacht Club de Monaco : les Monaco Globe Series. La première étape d’un circuit de régates qualificatives pour le Vendée Globe de 2020 et qui déterminera en 2021 le champion du monde de la classe.
Texte : Aurore Teodoro – Photos : Studio Borlenghi et Mesi / Yacht Club de Monaco
On n’arrête plus le Yacht Club de Monaco ! Quelques semaines après la Nautor’s Swan One Design, la première étape du nouveau circuit de régates du chantier finlandais, c’est une nouvelle aventure qui vient de démarrer sur les quais du « paquebot » : le championnat du monde IMOCA Globe Series 2018-2020. Un circuit inédit de sept épreuves comprenant deux événements majeurs par an, comme par exemple la Route du Rhum 2018 ou encore la Transat Jacques Vabre en 2019, avec en point d’orgue le Vendée Globe en 2020. Pour cette grande première, ils étaient neuf équipages à s’élancer sur la grande bleue pour une course de quatre jours en double et sans escale. Un parcours de 713 milles nautiques, bien « musclé », qui fut loin d’être une partie de plaisir pour ces marins pourtant habitués à dompter les plus grands océans du monde.
Les bateaux officiels du Vendée Globe
Cérémonie d’ouverture en présence de nombreux officiels, deux jours de régates d’exhibition au large de la Principauté, rencontres avec les écoliers… le Yacht Club avait mis les petits plats dans les grands pour accueillir la première course offshore jamais organisée en Méditerranée pour la classe IMOCA. Mais au fait, qu’est-ce qu’un IMOCA 60? « Ce sont des voiliers monocoques de 60 pieds, soit 18,28 m principalement dédiés au Vendée Globe, le tour du monde en solitaire et sans assistance. Des unités donc extrêmement performantes, conçues pour naviguer très longtemps », explique Antoine Mermod, le président de la classe. Avec leurs mâts et gréements standardisés, ces voiliers monocoques, conçus en 1986, sont depuis toujours les supports du Vendée Globe, crée lui en 1989. Et ils ont grandi avec lui. « Chaque année, on fait évoluer la jauge pour avoir des bateaux de plus en plus performants, fiables et surtout spectaculaires », explique Antoine Mermod. Ainsi au fil des années, l’arrière de ces IMOCA s’est élargi, les quilles basculantes ont fait leur apparition, des outils informatiques de plus en plus pointus ont équipé les écrans de navigation… Pour certaines unités, cette nouvelle décennie a vu l’apparition des foils, ces appendices qui permettent aux bateaux de décoller de la surface de l’eau, leur donnant un effet booster, comme on en retrouve également sur les voiliers de l’America’s Cup ou encore les GC32.
Seulement trente heureux élus en 2020
Sur la ligne de départ, neuf voiliers, chacun mené par deux équipiers, dont trois femmes. Tous ou presque avec un même objectif : 2020. Car si les Globe Series visent à déterminer le champion du monde d’IMOCA pour la période 2018-2021, cette série d’épreuves s’avère aussi qualificative pour le Vendée Globe. Un processus qui se fera en deux temps, comme l’explique Antoine Mermod, le président de la classe IMOCA: « la première étape pour se qualifier est d’avoir réalisé une course transatlantique en solitaire avec son bateau, et ce, peu importe le classement. Par contre, si par exemple 35 skippers se qualifient par ce biais, une sélection devra être réalisée, car il n’y a que 30 places. Seront retenus en priorité ceux qui ont terminé le dernier Vendée Globe ou qui auront un bateau neuf. Les places restantes, entre 15 et 18, seront attribuées aux marins qui auront réalisé le plus de milles durant les courses du Globe Series ». Alors autant ne pas manquer d’épreuves, et surtout aller jusqu’au bout de chacune. Un point qui sera crucial pour le bateau monégasque Malizia II et son skipper, Boris Herrmann, aussi bien pour y gagner leur sélection que pour engranger l’expérience nécessaire pour ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, que le milieu surnomme « l’Everest des Mers » (Vendée Globe). « Il faut des années et des années de préparation pour se dire qu’on peut partir faire le tour du monde, tout seul. Les bateaux demandent aussi des années d’entraînement : technique, physique, sportif… », confirme Antoine Mermod, et d’enchaîner, « quand on navigue seul, tout est dans l’anticipation. Le navigateur doit toujours avoir un ou deux coups d’avance pour anticiper toutes les manœuvres et dans une certaine mesure dérouler le plan prévu. »
A la fin, l’expérience paie
Anticipation. Une méthode difficile à appliquer quand on vogue sur la capricieuse Méditerranée. Elle a d’ailleurs mis à rude épreuve les nerfs des 18 marins pourtant bien aguerris, puisque beaucoup avaient déjà un sacré palmarès à leur actif dont parfois un ou plusieurs Vendée Globe. « Les Bretons – la grande majorité des skippers ici – n’ont pas l’habitude de naviguer sur ce type de plan d’eau, avec des vents changeants et assez légers, en tout cas à cette période-là de l’année. Cela leur a demandé beaucoup de changements de voile et de manœuvres. Il y a eu aussi quelques petits moments de flottement pour eux parce qu’établir une stratégie sur du long terme en Méditerranée est difficile. Mais le gros avantage, c’est que ça ouvre le jeu. Chacun peut avoir sa chance », explique Guillaume Rottee, le directeur de course. Après un départ donné au pied de la Principauté par le Prince Albert II, les neuf voiliers se sont donc élancés par l’ouest en direction du sud de la Corse et des Bouches de Bonifacio. Un passage « très éprouvant, avec des conditions très changeantes, une alternance de zones sans et avec vent, avec des orages, de la pluie. Durant la traversée, ils ont rencontré entre 0 et grand maximum 10-12 nœuds de vent, puis 30 nœuds de vent pour certains dans les bouches de Bonifacio », relate Guillaume Rotee, le directeur de course. Initialement, l’étape d’après devait les amener au Golfe de Mondello en Sicile, puis vers les Baléares, pour un trajet global de 1200 milles. Mais le petit temps aura eu raison du tracé initial, et c’est finalement une descente le long de la côte est de Sardaigne puis une remontée vers le continent et l’Île de Port-Cros qui attendait les équipages. Un passage très intéressant tactiquement parlant, puisque la flotte, assez compacte au sud de l’île italienne s’est quasiment reconstituée près des côtes varoises, et ce malgré des stratégies bien différentes. Après il y a eu un petit phénomène d’accordéon, souligne le directeur de course pour qui : « à la fin, l’expérience a payé ». Parti parmi les favoris, c’est l’équipage de SMA qui a su tirer son épingle du jeu. Toujours selon Guillaume Rottee, « Paul Meilhat (concurrent du Vendée Globe 2016) navigue énormément sur le bateau depuis le début de l’année. C’est un IMOCA qui n’a pas de foils, mais justement la différence s’est jouée sur le fait qu’il le connaît très bien dans toutes les configurations ». Côté monégasque, un an après l’acquisition de Malizia II, c’est à la septième place que se classe le duo Casiraghi-Hermann. Ce dernier nous a confié : « Le vent était faible et pas forcément prévisible. Il a fallu manœuvrer tout le temps. Cette course était plus dure que lors d’une transatlantique mais le point fort de notre équipe avec Pierre est d’avoir la « niaque » et le sourire en toutes circonstances et de tout donner. On a été dans le match, notamment avec le 2e seulement quelques heures avant l’arrivée. Nous sommes un peu déçus de n’avoir fini que 7e mais ça fait partie du sport et ça montre aussi que nous avons eu un plateau très fort. Et qu’à la fin, les meilleurs sont devant », souligne le skipper qui compte bien mettre à profit les deux prochaines années pour montrer que le voilier de la Principauté n’est pas là pour faire de la figuration.