Yacht Class n°10 (sept-oct-nov 2017)

Le 27 juillet dernier, le Yersin, sous pavillon monégasque, a pris la mer. Une aventure scientifique qui va s’étaler sur 3 ans au cours de laquelle de nombreuses missions seront effectuées. Afin de « réconcilier l’humanité et la mer », comme l’a souligné François Fiat, armateur du navire. De quoi faire perdurer l’engagement princier en matière d’écologie.

Texte : Romain Chardan – Photos : Eric Mathon, Axel Bastello, Gaetan Luci / Palais Princier, Michel Dagnino / Musée Océanographique de Monaco

Nombreux ont été les explorateurs à sillonner les mers et océans à la recherche de découvertes, nouvelles terres ou civilisations. De Jacques-Yves Cousteau, en passant par les Colomb, Vespucci, Cartier au Prince Albert-Ier, tous ont aujourd’hui leur nom dans les livres d’histoire. L’équipage du Yersin sera peut-être de ceux-là. Pour le lancement officiel de la mission « Monaco Explorations », le Yacht Club de Monaco avait organisé une cérémonie devant ses quartiers. L’équipage était bien entendu présent, tout comme son armateur, François Fiat. « Ce sont une vie de rêve depuis mes lectures de Tintin dans mon enfance et 10 ans de travail pour concevoir et construire le Yersin qui trouvent ici une première forme d’aboutissement. Mais ce n’est que le début de l’aventure que je suis fier et honoré de partager avec le Prince Albert II et la Principauté « , a détaillé François Fiat. Avant d’ajouter que Yersin est « le navire des explorations de Monaco. Il est temps de réconcilier l’humanité et la mer, c’est dans ce but que vous avez, Monseigneur, décidé de lancer les explorations de Monaco. Réconcilier l’humanité et la mer, c’est donc la mission de Monaco et le Yersin en sera l’outil. »

Bienveillance Princière

Venu en famille avec son épouse, la Princesse Charlène, ainsi que les jumeaux, le Prince héréditaire Jacques et sa sœur Gabriella, le Souverain a également pris la parole, lui qui est très attaché à la défense des océans et à l’écologie. Sous les yeux du Ministre d’Etat, Serge Telle, mais aussi de Karmenu Vella commissaire européen à l’environnement, aux affaires maritimes et à la pêche et de Erick Solheim, secrétaire exécutif du programme des Nations Unies pour le développement, le Prince Albert II a déclaré que « Ce navire magnifique, innovant, écologique, bénéficiant des installations scientifiques les plus remarquables, s’inscrit à son tour dans cette aventure. Une aventure dont le but est de protéger notre planète et nos mers, hélas si maltraitées. L’aventure est partagée par toute la Principauté, qui marque ainsi concrètement son attachement à cette haute ambition. Le programme scientifique retenu aura plusieurs objectifs notamment une meilleure connaissance des océans et de leurs problématiques afin de contribuer à la recherche de solutions locales et internationales, tant d’un point de vue pratique que politique. Nous assistons à un moment qui restera dans nos mémoires, dans celle de la Principauté de Monaco, dans celle de tous les défenseurs des mers. »

Héritage familial

Une lithographie de Sainte-Dévote, la sainte patronne de Monaco, a ainsi été remise à François Fiat et le Prince Albert II a, quant à lui, transmis au capitaine Jean Dumarais le guidon du Yacht Club de Monaco, permettant ainsi au Yersin de battre pavillon monégasque. Les personnalités présentes ont ensuite pu assister à son départ, salué par un linéaire de feux d’artifices le long du port, juste avant qu’il ne quitte la zone maritime de la Principauté. Avec comme première destination la Macaronésie (ensemble d’îles composé des archipels des Açores, de Madère, des îles Canaries et des îles du Cap-Vert). Une destination symbolique car l’arrière grand-père du Souverain, le Prince ­­Albert-Ier, s’était lui aussi rendu à cet endroit en son temps. Surnommé le Prince des Mers ou Prince Savant, il a été l’un des pionniers de l’exploration maritime. Il avait organisé plus d’une trentaine d’expéditions, s’intéressant notamment à la biologie des profondeurs. Des expéditions qu’il a mises en place dès le début des années 1870, avant de fonder près de deux décennies plus tard l’Institut Océanographique de Monaco, ainsi que le musée éponyme. C’est donc près de 120 ans après les observations notées par Albert-Ier que le Yersin se retrouvera dans son sillage, en septembre. A l’époque où il avait exploré ces lieux, le trisaïeul du Prince Albert II avait rendu compte de l’état des écosystèmes marins et terrestres. Notamment du côté du Cap Vert, où l’équipage de scientifiques cherchera une trace d’un lézard d’envergure, aujourd’hui presque introuvable et observé en son temps par Albert-Ier. En renouant avec cette tradition exploratrice, la Principauté s’installe un peu plus dans la lutte contre la pollution. Et là aussi, le Yersin est une sorte de chevalier blanc en la matière, ou plutôt un chevalier propre.

Un outil unique

Au cours des 36 mois de navigation qui attendent l’équipage opérationnel du navire et les différents scientifiques qui vont s’y succéder, certains endroits voués à être explorés ne sont normalement pas accessibles par bateau. La raison ? Des secteurs protégés pour y éviter toute pollution. De façon à pouvoir s’y rendre, le Yersin a ainsi été pensé comme un bateau totalement propre, avec zéro émission et zéro rejet. Des pompes ont été installées pour recueillir l’eau de la mer ou de l’océan, la traiter et la rendre potable, ce qui évite d’avoir à charger des litres d’eau en bouteille plastique à bord. Les déchets sont broyés, stérilisés et peuvent être stockés jusqu’à 50 jours pour l’équivalent de 40 personnes. Egalement équipé pour assurer un confort de plaisance maximale, le Yersin pourra accueillir jusqu’à 18 scientifiques, au-delà de l’équipage du navire. Mais aussi un matériel de pointe, avec notamment un laboratoire bactériologique, un PC scientifique mais aussi tout le nécessaire à la plongée sous-marine. L’homme pourra ainsi aller jusqu’à 30 mètres de profondeur grâce aux équipements présents à bord. Pour toute sortie plus profonde, c’est un drone sous-marin (ROV) qui sera mis à contribution. De quoi mener à bien les nombreuses missions qui attendent le navire du premier ambassadeur de la Charte la Belle Classe du Yacht Club de Monaco.

Tour du monde

Par-delà les mers et océans, le Yersin et son équipage vont donc mener différents travaux jusqu’en juin 2020, période à laquelle son retour est prévu. Parmi eux, il y a aura notamment des études réalisées sur différents types d’environnement, allant de milieux très préservés à ceux très atteints par la pollution humaine ou les monts sous-marins. Biologie marine ou moléculaire, biodiversité, mégafaune, protection des espèces en voie de disparition, acidification des océans, pollution, autant de points qui feront partie des missions de l’équipage de ce navire propre. Avec plus d’une centaine d’arrêts répartis sur 9 zones géographiques (voir encadré), le but sera d’apprendre, comprendre et témoigner de la santé des mers. Testé en amont de la Méditerranée au Grand Nord lors des derniers mois, le Yersin a pu vérifier son potentiel de navigation par tous les temps et dans la durée. Et pour partager tout cela, Monaco Telecom a assuré les installations sur le bateau. Relié avec les satellites, sécurité et qualité de communication sont ainsi garanties. De quoi permettre à Monaco Explorations de partager ses avancées et découvertes sur les réseaux sociaux.


Le Yersin en chiffres

  • Longueur : 76,6 mètres
  • Largeur : 12 mètres
  • Tirant d’eau : 4,2 mètres
  • Capacité de carburant : 350 000 litres
  • Capacité d’eau : 50 000 litres
  • Capacité d’hébergement : 44 pers.
  • Vitesse maximum : 16 nœuds
  • Vitesse de croisière : 12 nœuds
  • Autonomie : 12 000 milles à 11 nœuds
  • Poids : 250 tonnes

La mission étape par étape

  • Septembre 2017 – Monaco – Macaronésie
  • Novembre/Décembre 2017 – Caraïbes (République Dominicaine, Martinique)
  • Janvier/Février/Mars 2018 – Corridor Est Pacifique (Malpelo – Galapagos)
  • Juillet/Août 2018 – Polynésie (Îles Marquises, Île du Millénaire)
  • Novembre/Décembre 2018 – Mer de Corail (Nouvelle Calédonie, Détroit de Torres)
  • Mars/Avril 2019 – Triangle de Corail (Banggai, Palaos, Tubbataha, Manado, Sulawesi)
  • Novembre/Décembre 2019 – Océan Indien (Chagos, Seychelles, Maldives, Oman)
  • Avril 2020 – Mer Noire et Méditerranée Orientale
  • Mai/Juin 2020 – Méditerranée Occidentale

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