Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
YACHT CLASS N°8 (mars-avril-mai 2017)
Aleco Keusseoglou
Arrivé à Monaco en 1972, de sa terre natale, la Grèce, Aleco Keusseoglou est devenu monégasque en 2008. Même s’il a grandi en Principauté, il poursuit ses études en Suisse et aux États-Unis. Il voyage à travers le monde avant de reprendre Sun Line Cruises, la société familiale de croisières de luxe qu’il fait prospérer avant de la vendre en 2000. De retour en Principauté en 2003, S.A.S le Prince Rainier lui demande, entre autres choses de prendre la présidence de la Société d’Exploitation des Ports de Monaco. Passionné par la tâche, Aleco Keusseoglou est armé d’une solide compétence dans le domaine maritime mais également en tant que dirigeant de société.Son parcours en terre monégasque et à l’international lui confère une légitimité dans d’autres domaines. Administrateur de la SBM, membre du Comité du Yacht Club de Monaco, il gère également sa propre société de gestion de patrimoine. Il gère avec brio, surtout un emploi du temps pour le moins chargé. C’est un président passionné par sa mission et animé par une affection particulière pour le port de Monaco que nous avons rencontré dans ses bureaux. Avec vue sur le port, évidemment.
Propos recueillis par Jean-Marc Moreno, Photos : SEPM
Quel est votre rôle au sein de la SEPM ?
J’en suis le président exécutif. Mais j’ai eu la chance de pouvoir monter une équipe extrêmement performante, composée de 42 personnes, et notamment du directeur général, Gianbattista Borea d’Olmo, d’un directeur adjoint, Daniel Realini. J’ai également un directeur administratif financier, qui a été avec nous pendant dix ans et qui maintenant part à la retraite, Alberic Savigneux. Il sera remplacé par Olivier Imperti, qui vient du gouvernement. Le rôle du président, c’est vraiment de montrer la ligne directrice, d’établir la stratégie, mais également de donner aux équipes les moyens de pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Je sais tout ce qui se passe dans la société, sans être invasif. Je laisse le management faire son travail. Je les aide, je les corrige si besoin. Ils suivent mes directives. Mais j’aime bien qu’on soit tous réunis dans une salle, qu’on discute, qu’on se dise les choses qu’on doit se dire et qu’on fixe une ligne directrice à laquelle se tenir.
La Principauté, capitale internationale du yachting : quel est impact de cette force sur la gestion des ports à votre niveau ?
Le succès des ports de Monaco a fortement contribué à ce que Monaco devienne la grande capitale du yachting. En dix ans, nous avons connu une montée en puissance. Nous avons atteint un taux d’occupation de 98% et attiré des bateaux de plus en plus prestigieux. Tout s’est ensuite accéléré avec le nouveau bâtiment du Yacht Club, qui a donné encore plus d’envergure et d’importance au rôle de Monaco dans le domaine du yachting. C’est un vecteur d’excellence, d’expansion, mais également un bâtiment d’excellence. Il possède une équipe extrêmement performante qui fait un super travail. Cela a vraiment contribué à accroître cette renommée. Mais, je pense que la SEPM a également joué un rôle important dans cette réputation.
Entre capacité d’accueil et qualité d’accueil, quel est le critère que vous privilégiez ?
Pour nous, la qualité d’accueil est certainement la chose la plus importante. Nous sommes un port public, et non pas un port privé. Tout le monde doit pouvoir coexister dans le port, quelque soit la taille ou le type de bateaux. Nous nous devons de fournir à tous la qualité d’accueil la plus excellente possible. Indiscutablement, les grands bateaux nécessitent une logistique plus pointue qu’un bateau de 7mètres. Mais si l’on regarde les investissements de ces dernières années, nous en avons plus fait pour la petite plaisance que pour la grande. Nous sommes très attentifs à ses besoins. J’ai toujours dit, depuis le début, que la beauté et le charme d’un port, c’était sa mixité.
Les capacités d’accueil des ports de Fontvieille et Hercule n’étant pas extensibles, comment est née l’opportunité Vintimille ?
Il y a quatre ans, nous avons alerté notre actionnaire, le gouvernement, que nous arrivions à saturation, tant en terme de place que de recettes. Les seules marges de progression étaient ensuite l’augmentation des prix… ce qui n’est pas dans notre optique. Nous avons augmenté les prix au tout début, notamment parce que ceux-ci étaient bien inférieurs à ceux des ports voisins, mais surtout, parce que la digue a permis de sécuriser le Port Hercule. Ce n’était pas le cas avant sa création. Les prix reflétaient alors cette situation. Mais rappelons, qu’aujourd’hui encore, surtout pour la petite plaisance, les prix sont largement inférieurs à ce qui se fait dans les ports voisins.
Il y a quatre ans, nous avons donc décidé d’aller chercher des axes de développement à l’extérieur, qui s’orientaient dans deux directions pouvant être complémentaires. Tout d’abord, une direction opérationnelle : c’est-à-dire des places de port à proximité. Ensuite venait l’axe marketing : peut-être s’implanter sur des marchés pouvant amener plus de clients à Monaco.
Évidemment, au début de nos recherches, nous sommes allés voir du côté de Cap d’Ail. Cela avait tellement de sens, même s’il n’y a pas énormément de place, notamment pour les gros bateaux, notre cible. Mais la concession se terminant en 2027, il aurait fallu attendre 15 ans. C’était trop long. Mais, assurément, mes successeurs en 2027 participeront à l’appel d’offre de la nouvelle concession de Cap d’Ail.
S’est ensuite avérée cette opportunité de Vintimille, qui présente des éléments extrêmement intéressants. La société exploitante avait reçu une concession de 80 ans, ce qui est très rare. Aujourd’hui, elles sont généralement plafonnées à 30-35 ans maximum. Ensuite, le port n’étant que partiellement construit – ce qui est un avantage comme un inconvénient – nous pouvions finir de l’aménager en fonction de nos besoins. Enfin, son emplacement, à 7 miles nautiques, le place donc à 15-20 min de Monaco, en fonction des bateaux. Nous avons sauté sur l’occasion car, en toute honnêteté, nous pensions que nous avions la possibilité de racheter cette société pour un prix raisonnable. Nous connaissions le montant des travaux nécessaires pour le terminer. Cela représentait une enveloppe de 80 millions : 31,5 millions pour l’acquisition et une cinquantaine pour finir les travaux. Après la première prise de contact il y a trois ans, les négociations se sont avérées longues et difficiles parce que c’était très compliqué juridiquement… Mais, maintenant, nous sommes à 100% propriétaires pendant 75 ans.
Quels ont été les obstacles à la finalisation de l’achat ?
Le groupe qui détenait la société n’était pas en bonne situation financière. Or, en Italie, les lois anti-faillite sont très strictes. Si on achète un bien à un prix nettement inférieur au prix du marché, le juge peut dire : « vous l’avez vendu trop bas et on annule la vente. » Ou alors il faut réajuster le prix. Nous ne voulions pas courir ce risque, donc nous nous sommes entourés de toutes les garanties nécessaires. Cette transaction a dû être inscrite dans leur plan de restructuration, puis validée par toutes les banques créditrices… ce fut compliqué de mettre tout le monde d’accord.
Quelle va être la capacité d’accueil et pour quelles unités ? Qui profitera des anneaux disponibles ?
Au total, 1 350 bateaux battent pavillon monégasque. Entre Fontvieille et le Port Hercule, nous pouvons en accueillir 660. Ce qui veut dire que 700 d’entre eux sont répartis dans d’autres ports. Évidemment, c’est à eux que nous proposerons les toutes premières places. Le port de Vintimille disposant de 170 places, il n’est pas surréaliste de penser que 10 ou 15% de ces 700 y voudront une place. Le contraire m’étonnerait. Je comprends que les Monégasques, qui ont leur bateau ici, n’iront pas à Vintimille. Mais je suis sûr que le résident étranger, qui a un bateau sous pavillon monégasque mais qui ne peut avoir une place à Monaco, sera intéressé. Mais, attention, ce n’est juste qu’une partie du marché. Nous avons également environ 200 bateaux sur liste d’attente. Peu d’entre eux font partie de ces 700. En réalité, il y a 150/160 bateaux supplémentaires sur cette liste d’attente. Rien que ceux-là nous permettraient de remplir le port, sans même devoir commercialiser à l’extérieur. Sur ces 170 anneaux, nous vendrons par amodiation pour une durée de 20, 30 ou 40 ans les places de moins de 30 m, et peut-être une ou deux grandes places. Cela nous permettra de rembourser le plus rapidement possible la majeure partie de l’investissement. Mais nous voulons garder une trentaine de places de 30 m et plus. C’est là où nous avons besoin d’espace. Le port de Fontvieille ne pouvant accueillir des unités de plus de 27 m, nous disposons aujourd’hui à Monaco, sur le port Hercule, d’une quarantaine de places avec lesquelles nous devons jongler pour pouvoir accueillir 150 bateaux par an. Ce n’est pas facile.
Une extension du Port Hercule n’était-elle pas envisageable ?
Impossible ! Et ce, pour la simple et seule raison qu’à la sortie du port, les fonds marins tombent abruptement et sont beaucoup trop profonds. Cela coûterait une fortune.
Le port étant physiquement en Italie, sous quelle régie sera-t-il placé ?
Le port sera sous régime italien. Il sera soumis à la législation italienne, qui n’est pas très éloignée de celle de la Principauté. Et il en va de même pour la facturation. Rappelons-le, c’est une société italienne qui en est la propriétaire. Nous, nous détenons cette dernière. La gestion du port est donc donnée à cette société. Cela revient à dire que Monaco possède aujourd’hui deux ports, demain il en aura trois. La gestion sera commune. Elle sera placée sous la régie des lois italiennes, mais opérée par la SEPM.
Même s’il n’est pas très loin de Monaco, qu’avez-vous prévu pour rejoindre la Principauté ?
Un service de navette rapide fera constamment l’aller-retour entre les deux ports. Nous étudions également la possibilité de faire un héliport sur le port. Mais, cela n’est possible que pour des vols ponctuels, et non des lignes régulières.
Cette localisation ne risque-t-elle pas d’être un frein ?
Non je ne pense pas ! En hivernage par exemple, les équipages seront beaucoup plus contents d’être à Vintimille qu’à Monaco car la vie leur reviendra le tiers de ce que cela leur coûte ici.
Le MYS refuse régulièrement des exposants par manque de places, avez-vous envisagé une extension de l’exposition à Vintimille ?
Tout à fait ! Un peu comme Cannes avec Port Canto. Nous travaillons très étroitement avec le Monaco Yacht Show. Si ce dernier estime qu’il peut avoir un besoin de places supplémentaires à Vintimille, pourquoi pas. Il faut chiffrer l’opération et voir si les coûts d’organisation supplémentaire là-bas justifient cette opération. Nous ne l’avons pas prévu mais on peut très bien le concevoir.
Certains emplacements pourront-ils être réservés aux professionnels dans le cadre d’une vente ?
Malheureusement – et je dis malheureusement parce que j’ai beaucoup de sympathie pour les professionnels du yachting, qui est une industrie très importante – ce n’est pas le but de cette acquisition. Son but est de servir ceux qui ont un bateau et, surtout, les nouveaux résidents. C’est pour cela que ce port est tellement important pour l’attractivité de Monaco. Aujourd’hui, nous avons un énorme afflux de résidents de haut calibre qui viennent s’installer. Et un sur quatre possède un bateau. Ils ont déjà un peu de mal à trouver des appartements de taille qui leur convient, beaucoup de mal à trouver des bureaux, si, en plus, on ne peut même pas leur proposer une place au port, cela fait beaucoup. Pour moi, ces 30 ou 40 places supplémentaires pour les gros bateaux sont indispensables pour l’attractivité de Monaco dans les cinq – six années à venir.
D’après vous, à quelle date le port sera à 100% opérationnel ?
Eté 2019.
Autour du port, y aura-t-il des commerces (restauration, shipchandler…) ?
Exactement. Il y a 3 500 m2 de surfaces que l’on doit commercialiser.
Allez-vous communiquer à l’international ?
Nous aurons toute une campagne de pubs à l’international. On fera des présentations dans les différents yacht shows, etc.
Quel sera le nom de ce port ?
Nous avons gardé son nom d’origine : Cala del Forte.