YACHT Class n° 37 (juin-juillet-août 2024)

Interview Bernard d’Allessandri

Au club depuis 1976, Bernard d’Alessandri, Secrétaire et Directeur Général du Yacht Club de Monaco, a connu toutes les épreuves de la Primo Cup devenue un rendez-vous incontournable du début de saison pour de nombreuses classes monotypes. Il nous parle de sa création et de son formidable développement.

Texte : Aurore Teodoro – Photos : Jean-François Ottonello, GuillaumePlisson, Studio Borlenghi  / YCM

Vous êtes arrivé au club en 1976, vous avez donc connu toutes les éditions de la Primo Cup. Pouvez-vous nous parler de la création de la compétition, de son concept… ?

Elle a été créée en 1985, sous l’impulsion de S.A.S. le Prince Albert II, qui venait tout juste de prendre la présidence du Yacht Club de Monaco (YCM). Au fil des années, la Primo Cup s’est imposée comme le rendez-vous de début de saison en Méditerranée pour l’élite européenne de la monotypie, ce qui signifie que tous les concurrents utilisent le même modèle de voilier. Chaque équipage participe avec un bateau identique aux autres, ce qui met l’accent sur les compétences des marins plutôt que sur les différences de conception ou de performance des bateaux. Cette approche vise à promouvoir une compétition plus équitable et à mettre en avant l’habileté des régatiers plutôt que les avantages liés aux caractéristiques techniques des unités. Avec 4 400 bateaux classés, 1 100 départs donnés, 200 jours de navigation, 20 500 régatiers et 44 séries, l’évènement fait aujourd’hui office de référence.

Quel souvenir gardez-vous de la première édition ?

La première édition remonte au début de 1985. Du 27 janvier au 10 février, le Yacht Club organise une nouvelle manifestation, avec le club nautique Var Mer de Saint-Laurent-du-Var. L’idée est de commencer la saison de régates en organisant une course côtière pour les voiliers habitables entre les deux ports. C’est ainsi qu’est né le rendez-vous « Voiles en Février », qui a tout de suite connu un beau succès. Dès 1987, l’épreuve se déroule sur des parcours triangles et en monotypes, et prend le nom de « Primo Cup ». En 1988, elle rassemble déjà 88 bateaux, et devient une grande classique.

Aujourd’hui, la régate est le plus grand rassemblement d’Europe en monotypie, qu’est ce qui explique ce succès ?

Je pense qu’il est important de fidéliser les séries qui font les beaux jours de la monotypie tout en restant ouvert. L30, Onefly, Longtze Premier, nombreuses sont les séries qui ont choisi Monaco pour réaliser leur galop d’essai. Le fait que la Primo Cup entretienne sa réputation d’épreuve innovante et ouverte aux nouvelles classes séduit beaucoup de marins. 

Chaque année, l’élite mondiale de la voile répond aussi présent. Quel regard portent les navigateurs sur la Primo Cup ?

On y croise des amateurs mais aussi des champions confirmés, venus préparer leur condition physique, rencontrer les copains, et faire connaissance de la jeune garde. Il y a ceux du Vendée Globe, Jean-Pierre Dick, le Niçois, Kito de Pavant, Michel Desjoyeaux, Jean Le Cam, des marins du Tour de France à la Voile, des Figaristes, et des marins de renom à l’image de Sébastien Josse, Grant Dalton, Ray Davies, Franck Cammas, John Kostecki, Enrico Chieffi, Flavio Favini, Marcus Hutchinson, Will Ryan… Je pense que tous aiment se retrouver en plein cœur de l’hiver, dans une ambiance internationale et conviviale.

La compétition a mis à l’honneur diverses classes de monotypes (Etchells, Surprise, Melges 32, Farr 30, J24, Platu 25, Esse 850) Comment celles-ci sont choisies ?

Il faut toujours qu’il y ait un minimum de concurrents (8 bateaux) dans chaque série participante. Les supports doivent également être monotypes, c’est-à-dire que tous les exemplaires sont construits suivant les mêmes plans de coques, de gréement, en respectant des spécifications précises afin d’obtenir des bateaux identiques. Les équipages se distinguent ainsi par leur compétence de régatiers.  

Certaines séries ont tiré leurs premiers bords en mer sur la Primo Cup, Monaco a même été un laboratoire pour les chantiers ?

La Primo Cup est effectivement devenue un véritable banc d’essai pour les architectes et les chantiers, qui présentent en avant-première à Monaco leur bateau en compétition, à l’instar, ces dernières années, des SB 20, des JOD 35 ou encore des Longtze Premier. Dès sa création, nous avons eu pour volonté de soutenir et de promouvoir la régate à haut niveau exclusivement sur des monotypes, mettant tous les équipages à armes égales. 

Quelles ont été les séries phares et pourquoi ?

De nombreuses séries ont fait de l’épreuve un rendez-vous à ne pas manquer. Parmi elles, les J/70 laissent une trace dans l’histoire de la régate avec près de 400 unités qui ont défilé à Monaco durant 10 éditions. Cette classe est par ailleurs largement plébiscitée par les Monégasques avec une vingtaine d’équipages, constituant ainsi la flotte la plus importante de J/70 en Méditerranée. Dans le même esprit, à noter que la série emblématique des Surprise est venue régater à Monaco à 29 reprises, représentées par plus de 700 bateaux. Les J/24 ont également fait les beaux jours de l’épreuve avec 27 participations au compteur pour une flotte représentant plus de 450 unités. 

Y a-t-il une édition qui vous a particulièrement marquée ? Et/ou un souvenir ?

Je n’en ai pas particulièrement une en tête. Toutes se démarquent et toutes sont inédites. Il y a des éditions où des marins exceptionnels arpentent les quais, des éditions où les innovations redistribuent les cartes, d’autres où le nombre d’équipage explosent les records… Chaque cru est unique et séduit son public. Mais je garde bien évidement en tête les éditions où la neige s’est invitée à la fête. Dès le lendemain, les coureurs naviguaient sur un plan d’eau ensoleillé entouré de sommets enneigés. Cela crée évidement des souvenirs de carte postale. 

La Primo Cup s’est longtemps tenue sur deux week-ends. Pourquoi ? Est-ce une preuve du succès de la manifestation ? Qu’est ce qui a motivé à revenir à un seul week-end ?

Historiquement, la Primo Cup était organisée sur deux week-ends pour toutes les séries. Mais nous avons décidé de réduire le rendez-vous sur un seul week-end à la demande des concurrents qui sont nombreux à être amateurs. Cela leur a permis de faciliter leur venue en termes d’organisation et de frais de déplacement.  L’idée, c’est d’être constamment à l’écoute des concurrents. 

Le YCM a déménagé dans le Paquebot il y a dix ans. Celui-ci a-t-il permis de donner une autre dimension à la compétition ?

Avec ce nouveau bâtiment, nous avons eu la structure pour proposer un véritable programme de régates pour les équipages internationaux qui ont pu établir leur base hivernale à Monaco notamment en participant aux Monaco Sportsboat Winter Series. Ce circuit se conclu chaque année avec la Primo Cup. Aujourd’hui, nous pouvons compter sur la présence de formations qui viennent du monde entier ce qui démontre une volonté d’ouverture sur l’international. 

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