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Yacht Class n°27 (dec 2021/jan-fev 2022)
Yacht Club de Monaco
Du 8 au 11 septembre, la Monaco Classic Week, 15e du nom, a fait son grand retour sur les quais du Yacht Club de Monaco, le temps d’un voyage dans le temps à la rencontre du riche patrimoine nautique de la Principauté.
Texte : Aurore Teodoro – Photos : Studio Borlenghi et Mesi / Yacht Club de Monaco
Le hasard du calendrier a bien fait les choses. Grâce à son format biennal, la Monaco Classic Week (MCW) a échappé aux vicissitudes de la Covid-19. Point d’annulation, ni de report. Après son année de pause traditionnelle, la manifestation du Yacht Club de Monaco (YCM) a fait son grand retour en septembre pour une 15e édition un peu plus intimiste, Covid-19 oblige. « On a sélectionné les bateaux. On voulait plus de convivialité plutôt que d’avoir un grand contingent de bateaux, ce qu’on savait un peu difficile à faire de toute façon. On a choisi de présenter des bateaux plus anciens, avec uniquement des mâts en bois », explique Thierry Leret, le directeur de l’événement et responsable de La Belle Classe Tradition au YCM, avant de rappeler : « Notre caractéristique, c’est d’avoir aussi bien des motor-yachts, des canots automobiles, que des voiliers. » Au total, ils étaient donc 79 dont 9 motor-yachts, 20 voiliers Dinghies 12′ (premier voilier monotype de 12 pieds ou 3,6 mètres), 17 canots et 33 bateaux classiques répartis en quatre classes : « Les big boats, qui font plus de 23 m de longueur de pont. Nous avions aussi des bateaux d’époque Marconi, c’est-à-dire des unités de plus de 50 ans avec des voiles triangulaires, dites bermudiennes, et ceux d’époque Aurique à voiles carrées. Quant aux classiques, ils ont plus de 25 ans, mais moins de 50 ans », détaille Thierry Leret. Et parmi cette belle armada, des noms que l’on retrouve souvent en Principauté. A l’image du magnifique yacht à vapeur, le centenaire SS Delphine, dont la marraine n’est autre que la Princesse Stéphanie, les vainqueurs 2017 et 2019 de la MCW, Viola (1908) et Puritan (1930), Moonbeam III (1903) ou encore Orion (1962), présent à la toute première édition en 1984. Et n’oublions pas le vaisseau amiral du YCM, Tuiga (1909), et ses sisterships Mariska (1908) et The Lady Ann (1912).
Une année de nouveautés
Après une belle édition 2019 placée sous la bannière étoilée, c’est le patrimoine et l’histoire qui était mis à l’honneur cette année. Un thème qui ne doit rien au hasard puisque la Principauté commémore depuis quelques mois le centenaire de la disparition du Prince Albert Ier (1848-1922), son « Prince Navigateur » qui a contribué à façonner le visage actuel du pays et de son yachting avec son caractère pionnier, ses explorations océanographiques et sa passion pour les sciences. C’est d’ailleurs pour cette occasion que la MCW accueillait pour la toute première fois une exposition intitulée « Meetings de canots automobiles à l’époque d’Albert Ier – La Collection du Yacht Club de Monaco restaurée », réunissant près d’une soixantaine d’objets – médailles, lithographies, affiches, photographies, cartes postales anciennes… – inédits pour le grand public. L’aboutissement d’une année de travail, mené par Caroline Magro, la responsable du département patrimoine du YCM, avec au programme la « documentation des œuvres, de mises à l’inventaire, de restauration et de coordination de cette campagne de réhabilitation. On a aussi produit un documentaire de cinq minutes sur la restauration, une application sur tablette avec beaucoup de contenu enrichi qui permet d’aller plus loin dans la découverte de la collection et il y a tout le travail de sténographie, d’écriture des textes ». Et comme un clin d’œil n’arrive jamais seul, pour l’occasion, un hydravion Cessna C305 de 1952, venu de l’aéroclub de Côme, a fait le show et a amerri en baie monégasque avant de rallier le ponton du YCM. Un événement inédit, organisé avec le tout jeune Hydravion Club de Monaco, « Il ne faut pas oublier que l’histoire des canots automobiles est extrêmement liée à celle des hydro aéroplanes », rappelle Thierry Leret.
Au rang des nouveautés, il y a aussi cette journée du vendredi passée à Cala del Forte. Le troisième port de la Principauté, inauguré officiellement en juillet dernier, a accueilli les équipages des voiliers, le temps d’un déjeuner. « C’était drôle de faire un petit clin d’œil et d’amener des bateaux historiques sur un port complètement moderne, qui vient d’ouvrir et qui n’a donc pas d’histoire. C’est un peu donner vie à ce port avec des activités nautiques, c’était assez plaisant », souligne le responsable de l’événement. D’autant que la journée, qui comportait du coup une régate aller-retour sur les 7,9 milles nautiques (14,6 km) séparant les deux ports, a offert de belles conditions de navigation aux équipages des voiliers. « On a eu des conditions musclées, de 20 à 25 nœuds. Il y eut quelques dégâts, dont notamment un démâtage… C’est toujours un peu délicat car ces bateaux sont un peu des stradivarius. Ce sont des vieilles unités en bois, fragiles, qui sortent de restauration, ce sont presque des pièces de musée. Déjà régater avec eux, c’est un peu une gageure. Dans des conditions un peu extrêmes, c’est un peu une folie, mais ce sont tous des passionnés, des gens qui ne sont pas très raisonnables et qui sont tous très fiers de pouvoir les faire naviguer dans ces conditions. » Des conditions qui auront malheureusement empêché les canots automobiles et les Dinghies 12′ de faire partie du voyage. « La mer était trop hachée. Les voiliers, qui sont plus marins, ont pu le faire. Mais pour les canots, qui sont des pièces de musée, c’est trop délicat et en plus ce n’est pas très confortable », explique le directeur de course.
Les paddle aussi font le show
Déjà la veille, pour le premier jour de régate, la baie monégasque – connue pour les caprices du dieu Eole – avait offert des conditions de mer bien trop musclées, conduisant le comité de course a annulé les régates des voiliers et des dinghies. « Il faut quand même être raisonnable, on n’est pas là pour casser du bateau non plus », souligne le directeur de course. Pour autant, pas question de rester à se morfondre ou de rentrer à l’hôtel. Après ces derniers mois compliqués, bon nombre de participants restaient bien volontiers à quai à rattraper le temps perdu, tandis que sur le plan d’eau, l’activité n’était pas en reste. Redoublant d’ingéniosité, certains équipiers troquaient leurs tenues officielles pour des maillots de bain afin de se lancer dans un concours de paddle improvisé, en solo ou en équipe, sous les encouragements débridés de leurs équipiers et des autres marins. De quoi garder tout ce petit monde occupé et heureux alors qu’à quelques mètres les canots automobiles faisaient eux aussi le spectacle à l’intérieur du port pour leur concours de manœuvrabilité, sous les yeux des passionnés et des curieux présents sur le quai. Un moment « à l’esprit bon enfant », comme le confiait Steve Sandrin, en charge des activités des canots automobiles. « On leur demande, pour faire le show et pour se faire plaisir aussi, de participer à des épreuves. Celle de manœuvrabilité consiste à enchaîner l’épreuve d’un homme à la mer, où ils doivent faire comme si quelqu’un tombait à l’eau et manœuvrer pour le récupérer. Ensuite, il y a une prise de coffre, c’est-à-dire que le bateau doit arriver sur une bouée, l’attraper comme s’il voulait s’amarrer dessus et la dernière étape est de faire une marche arrière, sur une trentaine de mètres, sachant que ces canots, ce n’est pas ce qui recule le plus droit ! » Et le lendemain, pendant que leurs compagnons étaient à Cala del Forte, c’est le premier « permis Classic Week », qui a bien occupé les canots restés au Port Hercule. « Ce permis est une initiative de notre Secrétaire Général, M. D’Alessandri, et mélangeait à la fois des questions culturelles, sur les bateaux, sur la manœuvrabilité bien évidemment pour faire un petit clin d’œil. Et puis sur les connaissances maritimes », explique Thierry Leret.
L’élégance et l’effort de restauration récompensés
Point d’orgue de la manifestation, la journée du samedi. Une journée chargée avec des régates pour les Dinghies 12′ mais surtout le concours d’élégance et la grande parade qui allait mener toutes ces unités du pied du Musée océanographique au Larvotto, enmenée par le SS Delphine. L’Art de vivre la mer, si cher au YCM, dans toute sa splendeur. Car c’est surtout là l’essence et la spécificité de la manifestation. « La Monaco Classic Week, ce n’est pas un rassemblement durant lequel les bateaux ne font que régater », rappelle le responsable de La Belle Classe Tradition. « Nous mettons en valeur le travail d’entretien, de restauration au plus proche possible de l’original, ainsi que les connaissances de l’étiquette navale de l’équipage. Mais aussi l’armateur, le capitaine ou le chantier qui entretiennent ces bateaux. Parce que ce serait tellement facile d’avoir une unité moderne ou de le rendre confortable. Posséder un bateau en bois, avec tout ce que cela suppose d’entretien, de vernis, de soins, c’est compliqué. Il faut les mettre à l’honneur et tirer un grand coup de chapeau aux restaurateurs de vieilles unités comme celles-ci afin de les transmettre aux générations futures », souligne Thierry Leret. C’est d’ailleurs pour mettre à l’honneur ce patrimoine que différentes épreuves sont organisées, à l’image du concours des Chefs, dirigé cette année par le chef du Mirazur, Mauro Colagreco ou encore celui d’élégance qui s’attarde sur le style, la classe et l’harmonie des unités et de leur équipage. Chaque bateau aura également été inspecté par un jury de spécialistes dans le cadre du concours de restauration, présidé cette année par le célèbre marin britannique Sir Robin Knox-Johnston. Et c’est le yawl Mariella (Plan Fife – 1938) de Carlo Falcone qui remporte cette année le Trophée Monaco Classic Week. Le canot Iran (Stempler Corsier Port- 1948), le motor-yacht Blue Bird (1938) et Olympian (Gardner 1913) ont également été récompensés dans leur catégorie par le prix de la restauration. Côté élégance, c’est encore le canot Iran qui s’octroie la victoire, aux côtés du motor-yacht Istros (1954) et du voilier Viola (Fife 1908).