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Yacht Class n°22 (sept-oct-nov 2020)
A l’occasion de ce numéro de Yachting Around the World qui a pour vertu de présenter, au fil des quatre sorties annuelles de Yacht Class, les actualités des Yacht Clubs jumelés à celui de la Principauté, le Président du Yacht Club de Monaco, S.A.S. le Prince Albert II et Son Secrétaire Général ont accepté de nous accorder une interview.
Propos recueillis par Jean-Marc Moreno – Photos : Axel Bastello / Palais Princier – Guillaume Plisson
C’est dans le magnifique bureau du Président avec vue sur Monaco, surplombant le Port Hercule et décoré avec goût et simplicité que s’est déroulé cet entretien, entouré de souvenirs, maquettes, guidons et surtout l’historique collection des livres de bord de Son aïeul qui lui a transmis sans nul doute la passion de la mer et Son combat pour la protéger. Nous sommes d’autant plus touchés de l’acceptation du Souverain à nous recevoir dans un contexte que nul ne peut ignorer où Ses réflexions pour parer à la situation actuelle sont Ses priorités.
Vous avez toujours connu le Yacht Club, créé par le Prince Rainier III en 1953. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
S.A.S. Le Prince Albert II : J’ai beaucoup de souvenirs. Des souvenirs de soirées, de visite à l’ancien Yacht Club, quai Antoine 1er, lorsque Jean-Louis Marsan en était président. Je me rappelle aussi de ces locaux, dans leur première version, mais également dans leur deuxième configuration. C’était très familial et plaisant.
Bernard d’Alessandri : Monaco n’était pas comme ça à l’époque. Le Yacht Club, fondé par le Prince Rainier III, est l’émanation de la Société Nautique et de la Société des Régates.
S.A.S. Le Prince Albert II : C’est la raison pour laquelle la Société Nautique a sur son blason la date 1888. C’est l’un des plus anciens clubs de Monaco, qui incluait aussi la voile à l’époque. Ce n’est qu’au fil du temps que les deux activités se sont séparées.
Bernard d’Alessandri : Quand je suis arrivé en 1976, jeune et fringant, le club n’était pas tel qu’il est aujourd’hui. Monaco a beaucoup changé, la Société Nautique a, elle aussi, évolué. On parle beaucoup du Yacht Club, mais il est important de parler aussi de la Société Nautique, qui ne démérite pas et fait même mieux que nous en termes de résultats.
Le respect de la mer et de l’environnement est un véritable credo au sein du Yacht Club de Monaco. Concrètement de quelle façon se traduit-il ?
S.A.S. Le Prince Albert II : De plusieurs façons, et surtout de la manière la plus pédagogique possible. Nous organisons de nombreux événements et conférences sur « comment mieux vivre la mer », de façon plus durable et plus respectueuse de l’environnement marin. Et cela commence notamment par les matériaux utilisés pour la construction de bateaux. La Fondation Prince Albert II s’est fortement investie sur ce sujet, en y associant bien sûr le Yacht Club, au travers de différentes initiatives, et notamment « Wood Forever » qui veut sensibiliser l’industrie du yachting et l’encourager à de meilleures pratiques. De nombreux efforts ont été réalisés ces dernières années. Des efforts de sensibilisation tout d’abord, auprès de nos membres mais aussi de la communauté des amoureux de la mer. Et ce, pour qu’ils soient vraiment au fait de tous les problèmes qui touchent l’environnement marin, et ainsi les rendre responsables et plus respectueux de la mer, notamment en matière de déchets, de l’utilisation des carburants propres, et autres. Nous organisons également une manifestation phare, le Monaco Solar & Energy Boat Challenge, qui met à l’honneur les bateaux électriques et à l’énergie solaire. Nous avons toujours accueilli les innovateurs, à l’image de PlanetSolar ou du Energy Observer, ce bateau hydrogène qui réalise actuellement le tour du monde.
Bernard d’Alessandri : A travers le Monaco Solar & Energy Boat Challenge, le Yacht Club apporte sa modeste pierre à la construction du futur de la propulsion par les ingénieurs, qui peut-être débouchera un jour sur les grands yachts. Nous-même, nous nous sommes engagés à nous doter d’un bateau comité électrique. Nous allons peut-être « sauter une génération », et l’équiper d’une propulsion hydrogène, de manière peut-être un peu contrainte et forcée car, avec la version électrique, nous rencontrons un problème de batterie. Mais c’est un engagement marqué, car nous aurons, il me semble, le premier bateau comité à hydrogène du monde. Notre volonté dans ce domaine est forte, notamment auprès des jeunes, pour qui cette sensibilité fait partie de leur culture. D’ailleurs, ce sont eux qui nous rappellent le plus souvent à l’ordre.
Depuis sa création, le YCM n’a cessé de s’illustrer au travers d’actions reconnues comme essentielles au développement de la Principauté. Quelles ont été les étapes principales qui ont contribué à ce rayonnement ?
S.A.S. Le Prince Albert II : Toute une série d’événements, notamment les différentes manifestations que nous avons organisées au Yacht Club, sportives avant tout, mais pas uniquement. Sans oublier la transformation progressive de l’ancien Yacht Club, ou la course Monaco/New-York, qui fut une aventure vraiment incroyable. Bernard peut en parler mieux que moi, car il était le skipper de Biotonus lors de cet événement. Cette régate a véritablement donné une autre dimension au Yacht Club et lui a offert de nombreux contacts internationaux et une présence internationale un peu plus accrue. Ce fut le point de départ de son développement, qui s’est réalisé de différentes façons. Des événements comme le Yacht Show aussi avec l’implication de plus en plus forte du Yacht Club, ont également conduit la Principauté à prendre une orientation plus poussée en matière de yachting et de tout ce qui y est relatif.
Bernard d’Alessandri : Nous étions trois, avec Maurice Cohen et Michel Dotta, à fonder le Yacht Show. La première année, nous avons accueilli sept bateaux. On a été souvent une pépinière. Sébastien Josse, Laurent Bourgnon, Éric Tabarly, tous les grands coureurs sont passés ici… Je pense aussi à Yves Parlier ou à Max Bourgeois, ou encore Philippe Monnet qui a fait le tour du monde à l’envers. On n’en parle pas beaucoup mais c’est une réalité qui fait plaisir et qui est une vraie motivation. A mon sens, c’est l’un des moteurs du Club.
Le YCM est jumelé avec quinze clubs à travers le monde. Comment se sont fait ces jumelages ? Quels ont été les principaux critères de choix ?
S.A.S. Le Prince Albert II : Naturellement, nous avons commencé par nos voisins, ceux qui étaient proches géographiquement, c’est-à-dire les clubs méditerranéens, en France et en Italie. Mais très vite, au cours de nos différents contacts, voyages ou opportunités, mais aussi grâce à d’autres événements liés à la Principauté, nous avons pu avoir ces liens avec ces différents Yacht Clubs. Par exemple, le Manhattan Yacht Club, c’est une résultante de notre régate Monaco/New-York. Puis, d’autres sont venus au fur et à mesure.
Bernard d’Alessandri : Cela se fait souvent sur les plans d’eau, à l’occasion d’une coupe. On l’évoque de marins à marins, avant que cela ne monte dans les bureaux et s’officialise. Aujourd’hui, de par nos rapports avec les clubs jumelés, nous devrions être en Irlande*.
S.A.S. Le Prince Albert II : C’est mon grand regret de cette période difficile. Nous devions assister aux célébrations du 300ème anniversaire du Royal Cork Yacht Club.
Boris Herrmann s’apprête à représenter les couleurs monégasques lors du Vendée Globe. Pensez-vous qu’une puissante entité sportive comme le Yacht Club de Monaco serait aussi, à terme, capable de lancer un défi monégasque à l’assaut de l’America’s Cup ?
S.A.S. Le Prince Albert II : L’idée a été évoquée à plusieurs reprises. L’envie est là. Mais il faut se rendre compte de la réalité. La Louis Vuitton Cup, et puis bien sûr la Coupe de l’America, représentent une plateforme extraordinaire pour tous les syndicats engagés dans cette épreuve. Mais les budgets sont colossaux, quand la garantie d’un bon résultat est très mince.
Bernard d’Alessandri : Nous sommes engagés de manière indirecte par nos membres, notamment : Matteo De Nora, supporter du Team New Zealand, Patrizio Bertelli (Team Luna Rossa Prada Pirelli / Italie), Jim Ratcliffe (supporter du challenge anglais) ou encore le Suisse Ernesto Bertarelli, qui a quand même remporté l’America’s Cup.
S.A.S. Le Prince Albert II : Une participation serait compliquée, ne serait-ce que pour organiser les entraînements ici, avant même de pouvoir envoyer le bateau ailleurs. C’est un rêve un peu lointain.Bernard d’Alessandri : Mais nous suivons cela de près. En 2018, nous avons accueilli dans nos locaux la présentation de l’America’s Cup, parce que certains challengers étaient membres du club.
S.A.S. Le Prince Albert II : Il y a quelques années maintenant, nous avons également participé de façon plus ou moins directe ou indirecte avec Grant Dalton à la Whitbread, aujourd’hui renommée Volvo Ocean Race. On n’en parle pas beaucoup mais nous avons quand même des liens forts avec le sport.
*Interview réalisée le 10 juillet 2020.