Yacht Class n°40 (Mars-Avril-Mai 2025)

Boris Herrmann a terminé douzième du Vendée Globe 2024-2025 marqué, pour le skipper de Malizia – Seaexplorer, par une succession de soucis ayant mis à rude épreuve son sens marin, ses talents de bricoleur et sa capacité à surmonter ses peurs.

Texte : Christophe Varène – Photos : Mark Lloyd, Olivier Blanchet, Jean-Marie Liot, Ricardo Pinto et Boris Hermann.

Une remontée de l’Atlantique comme un cauchemar. Lorsqu’il franchit le cap Horn, le 28 décembre dernier, Boris Herrmann pense sans doute que le plus dur est fait, que les terribles mers du Sud, avec leurs tempêtes, leurs vagues scélérates et aussi le spectacle magique des albatros, sont derrière lui et que la « maison » est au bout de cette dernière ligne – presque – droite. Après un peu plus de 47 jours de course, il est en septième position (31 secondes devant Paul Meilhat sur Biotherm !) et a fait preuve de belles qualités de vitesse et de persévérance dans l’Indien. Il peut viser une place dans le top 5. Hélas, les embûches vont se succéder comme un train de dépressions, confirmant cet adage adopté par les coureurs des océans : « Le Vendée Globe, c’est une em… par jour. »

Touché deux fois par la foudre

Le 6 janvier, Boris doit affronter l’une de ses plus grandes peurs (l’autre est de gérer la solitude sur un tour du monde pendant 80 jours) : monter en haut de son mât de 29 m, pour effectuer une intervention sur le réglage de son pataras. Le lendemain, il raconte avoir passé l’une de ses pires journées en mer, essuyant des orages à répétition, les coups de tonnerre se succédant avec fracas, le bateau se couchant à plusieurs reprises et la foudre le frappant deux fois ! Qui a dit qu’elle ne touchait jamais au même endroit ? L’électronique du bord s’éteint – plus de pilote automatique, écrans noirs, alarmes hurlantes -, mais Boris réussit à tout remettre en ordre, avant de noter dans son livre de bord : « La mer m’a montré ses dents ! »

Rupture d’un foil

En franchissant la ligne d’arrivée du Vendée Globe 2024-2025 le 29 janvier dernier, Boris Herrmann et son IMOCA Malizia – Seaexplorer ont pris la 12e place de cette épreuve hors-normes. En bouclant le parcours de 24 300 milles – en théorie* – en 80 jours 10 heures 16 minutes et 41 secondes, le marin allemand a amélioré de 4 heures environ son temps de course par rapport à la précédente édition. Mais que ce fut dur pour celui qui portait les couleurs du Yacht Club de Monaco (YCM). Car les ennuis continuent de s’accumuler. Boris doit réitérer son ascension en tête de mât pour réparer le hook, système de fixation, de son J2, l’une des voiles d’avant les plus utilisées. Et deux jours après son retour dans l’Atlantique Nord, un choc avec un OANI (objet ou animal non identifié) provoque la casse de son foil bâbord, ce plan porteur qui soulève le bateau pour le faire accélérer. Amputé de l’une de ses « jambes », Malizia – Seaexplorer perd une grande partie de son potentiel et Boris va voir ses concurrents de devant s’éloigner quand ceux qui le suivent grignotent leur retard jour après jour. Cette fortune de mer n’est pas sans raviver le souvenir de cette collision avec un chalutier qui, la veille de l’arrivée en 2021, avait dépossédé Boris d’une place sur le podium (et peut-être de la première marche). Une dernière dépression, impressionnante au dire des spécialistes, avant le retour aux Sables-d’Olonne où le skipper germanique reçoit, comme tous les concurrents, un accueil chaleureux du public sablais, parmi lequel son ami Pierre Casiraghi, vice-président du YCM, venu le féliciter chaleureusement.

Passion et camaraderie

Quelques jours après l’arrivée, tandis que Boris doit réapprendre à vivre comme un « terrien » (retrouver le sommeil, remuscler les jambes…) et que Malizia – Seaexplorer va rentrer à Lorient pour une longue inspection et un copieux programme de remise à niveau, l’équipe Team Malizia s’est réunie autour de son skipper. Boris a félicité l’ensemble des « Malizians » pour la qualité du travail effectué ces dernières années qui lui a permis de trouver des solutions à tous ses problèmes, et également pour leur passion et leur esprit d’équipe et de camaraderie. Il a aussi évoqué le chemin à suivre ces quatre prochaines années dont la première étape sera la participation à l’Ocean Race Europe cet été. L’aventure continue !

* Boris Herrmann a en réalité parcouru 29 201,1 milles à la vitesse moyenne de 15,1 nœuds. 

Le Vendée Globe, une course pour la science
Les océans, terrain de jeu ultime pour les coureurs du Vendée Globe et pourtant essentiels à la bonne santé de la planète, sont aujourd’hui fragilisés par le développement de l’activité humaine. De nombreux coureurs au large sont impliqués dans des associations de protection de l’environnement, à l’image de Boris Herrmann qui affiche sur ses voiles le slogan « A race we must win – Climate action now ! » et a participé à une mission scientifique en déployant, au large du Cap Vert, une bouée destinée à collecter des mesures telles que la pression atmosphérique, la température de l’eau et la force et la direction des courants. Il a aussi embarqué un OceanPack qui mesure sur toute la durée de l’épreuve le taux de CO₂ et d’oxygène, la salinité et la température de l’eau de mer. Boris, déjà actif lors de la précédente édition dans ce domaine, reçoit aussi l’appui du Prince Albert II et de sa Fondation pour la protection des écosystèmes, partenaire de Vendée Globe Foundation. Les chercheurs sont sensibles à l’engagement de ces marins qui vont ainsi déposer des instruments scientifiques dans les zones les plus reculées et inhospitalières de nos océans. Le sport comme soutien de la science.

Le magazine actuel